Michael Campbell est professeur de théologie et d’histoire de l’Église à l’université adventiste Southwestern, à Keene, au Texas (États-Unis). Dans 1919 : The Untold Story of Adventism’s Struggle With Fundamentalism – son ouvrage le plus récent – il a procuré aux étudiants en histoire et en théologie adventistes une mine d’or de discussions exceptionnelles, pertinentes et franches sur les procédures, les implications, et l’impact de la Conférence des théologiens et des administrateurs adventistes – une conférence largement oubliée – qui s’est tenue à Takoma Park, au Maryland (États-Unis), en 1919.
Dans la première partie de son livre, Campbell ouvre d’emblée la voie à la discussion sur les questions les plus importantes. L’année 1919 connaissait une incertitude mondiale à tous les niveaux sociaux. Au cœur de l’agitation et des bouleversements sociaux, l’Église chrétienne fut témoin de l’établissement du mouvement fondamentaliste historique inspiré par The Fundamentals: A Testimony to the Truth – une compilation de 90 essais écrits par de grands théologiens, pasteurs et érudits de la Bible protestants. Cette compilation serait « une nouvelle déclaration des principes fondamentaux du christianisme » exprimant une préoccupation relative aux nouvelles innovations théologiques telles que la haute critique biblique. Cet ouvrage renforçait le principe de « l’inerrance absolue » des Écritures en luttant contre la méthode historico-critique et ses conséquences libérales.
C’est dans ce contexte que l’Église adventiste devait prendre position – chose difficile en raison de plusieurs facteurs. L’Église avait perdu sa prophétesse (Ellen White s’était éteinte en 1915), et l’herméneutique adventiste (méthodologie de l’interprétation) devenait bientôt le champ de bataille théologique entre les progressistes et les traditionnalistes. À partir de 1910, l’Église adventiste s’est retrouvée dans une crise identitaire par rapport à l’interprétation des événements des derniers jours et l’autorité des écrits d’Ellen White.
La seconde partie du livre de Campbell traite des enjeux importants à la conférence de 1919 :
- l’interprétation prophétique – l’identité des 10 royaumes, les dates du commencement et de la fin de la prophétie des 1 260 jours, les sept trompettes du livre de l’Apocalypse, etc. ;
- la Trinité – en dépit d’un consensus de base parmi les théologiens adventistes, ils utilisaient différentes approches herméneutiques de cette question ; et
- l’interprétation des écrits d’Ellen White – laquelle présentait les deux positions opposées au sujet de l’herméneutique adventiste : les traditionnalistes croyaient en l’inspiration verbale d’Ellen White, et les progressistes, eux, endossaient le principe de la faillibilité.
Finalement, dans sa discussion des conséquences et du legs de la conférence de 1919 (« la diète des doutes », p. 107), Campbell tente de confirmer la signification historique de la conférence et de démontrer qu’elle se déroule entre les camps théologiquement polarisés au sein de l’Église.
Dans l’histoire longue et précaire de l’Église chrétienne en général, la tentative de gérer la polarité théologique n’est rien de nouveau. Par exemple, pendant les guerres religieuses et les controverses dogmatiques les plus acharnées de la guerre de Trente Ans (1618-1648), les artisans de paix en Europe, dans leur tentative de créer un principe de paix et de renouvellement de l’unité au sein de la chrétienté européenne, avaient abouti à la formule suivante : « Dans l’essentiel, l’unité ; dans l’accessoire, la liberté ; en toutes choses, la charité. » De nombreux dirigeants chrétiens et leaders politiques ont utilisé ce principe dans l’intention de construire une société plus paisible et prospère sur la base de la tolérance et du dialogue.
À mon avis, le livre de Campbell sur la conférence de 1919 nous enseigne trois principes.
- Premièrement, bien que nous puissions être divisés en ce qui concerne la méthodologie herméneutique, les polémiques théologiques, ou l’implémentation pratique et organisationnelle de nos croyances et de nos pratiques, demeurons d’abord et avant tout fidèles au principe puissant et unifiant de la charité, lequel consiste à enraciner notre foi sur le fondement solide de Christ (l’unité dans les croyances essentielles).
- Deuxièmement, et aussi important que le premier principe, assurons-nous qu’il y ait, entre les progressistes et les traditionnalistes au sein de notre Église, de la place pour un dialogue théologique et herméneutique continu sur ce qui est accessoire.
- Troisièmement, soyons conscients qu’au regard de Dieu, le processus permettant de dialoguer et de développer l’humilité et la patience envers les autres, ainsi que l’écoute des autres, est plus valable que le résultat lui-même.
En résumé, le livre de Michael Campbell est une excellente source pour redécouvrir ce qu’on entend par « en toutes choses, la charité ». Je le recommande fortement non seulement aux théologiens ou aux étudiants en théologie, mais aussi à tous les membres d’église.
De Aleksandar S. Santrac, titulaire d’un doctorat de l’université de Belgrade, en Serbie, et d’un doctorat de l’université du Nord-Ouest, en Afrique du Sud, pasteur de deux églises adventistes de la fédération du Chesapeake, dans le Maryland (États-Unis). Plus récemment, il a servi en tant que professeur de théologie à l’université adventiste de Washington. Il est également le rédacteur chargé des recensions de Dialogue.
Source : « 1919: The untold story of Adventism’s struggle with fundamentalism », Dialogue 31 (2019/3), p. 30-31
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