Pour le gouvernement pakistanais, la nouvelle loi venant encadrer la cybercriminalité était nécessaire pour lutter contre les menaces terroristes. Désormais, toute personne reconnue coupable de cyber terrorisme sera passible de quatorze années d’emprisonnement. Toute incitation à la haine basée sur des critères « ethniques, religieux ou sectaires » sera passible de sept ans de camps de travaux forcés, et toute personne parodiant publiquement sur Internet un autre individu encourra trois ans d’emprisonnement.
Une loi sur la cybercriminalité controversée Pour les défenseurs des droits de l’homme, cette nouvelle loi, très floue, est inquiétante car elle risque de réduire la liberté d’expression, et d’être utilisée à mauvaise escient pour faire condamner des personnes injustement. « Les termes très vagues contenus dans cette loi, ainsi que l’absence de définition précise, nous font craindre qu’en cas d’accusation, les citoyens pakistanais sans instruction ni connaissance de cette nouvelle loi, se retrouvent pris au piège de ces peines très lourdes», dénonce Nighat Daad, fondateur de Digital Rights Foundation, auprès de l’agence Reuters.
Une crainte est partagée par les minorités chrétiennes, qui subissent déjà les conséquences du détournement de la loi anti-blasphème, utilisée contre eux pour des motifs qui n’ont rien à voir avec le blasphème. Le cas le plus connu est celui d’Asia Bibi, condamnée à mort en 2010.
« Internet est un moyen de communication important pour diffuser la parole de Dieu et former à la foi chrétienne dans une république islamique. Beaucoup de prêtres utilisent Facebook pour informer leurs communautés dans les régions sensibles. Restreindre Internet, c’est restreindre les possibilités d’évangélisation », confie le P. Qaiser Feroz, directeur du National Catholic Communication Center. Selon lui, la nouvelle loi sur la cybercriminalité est ambigüe et risque d’être mal interprétée.
Alors que les communautés musulmanes peuvent facilement poster leurs croyances sur Internet, les minorités religieuses, chrétiennes notamment, se heurtent à de très réelles limites par crainte d’être accusées de prosélytisme et de subir les représailles des fondamentalistes musulmans.
Interdiction de diffusion des chaînes de TV chrétiennes
Pour les chrétiens, Internet reste pourtant une des dernières alternatives encore possibles actuellement, depuis que onze chaînes de TV chrétiennes ont été fermées par la Pakistan Electronic Media Regulatory Authority (PEMRA), le conseil supérieur des médias électroniques, le 15 octobre dernier. Toutes ces chaînes de TV chrétiennes, excepté deux d’entre elles, diffusaient leurs programmes depuis l’étranger. Catholic TV, gérée par !’archidiocèse catholique de Lahore, a également été contrainte de fermer ses portes. « Depuis la fermeture, nous publions notre programme sur Facebook et nous postons nos vidéos sur YouTube », explique Jasber Ashiq, directeur de Catholic TV.
« Quel est l’avenir des médias d’Église au Pakistan ? Nous traversons une période très difficile actuellement. Nous cherchions juste à rejoindre notre propre communauté, ignorée par les autres chaînes de télévision», a déclaré le P. Morris Jalal, prêtre de !’archidiocèse de Lahore, fondateur et directeur général de Catholic TV. Au Pakistan, la diffusion de messages chrétiens sur les chaînes de TV pakistanaises n’est autorisée que pour Noël et Pâques, soit moins d’une heure de diffusion par an.
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