Qui suis-je ? Cette question, il n’y a pas que les ados qui la posent. En face de modèles douteux et encouragés par l’esprit de l’époque en évolution constante, nous luttons pour connaître la réponse à l’une des questions de la vie les plus profondes, et cependant, les plus élémentaires.
Selon les Écritures, nous avons été créés par un Créateur rempli d’amour qui, avec tendresse, nous a formés et modelés à son image et à sa ressemblance (Gn 1.27 ; 2.7). Créés ? Le monde qui nous entoure nous dit que, d’une manière ou d’une autre, nous avons évolué. À son image et à sa ressemblance ? Qu’est-ce que cela signifie, quand on considère la façon dont les êtres humains traitent leurs semblables ? Nous avons tous vu des images de victimes dans l’une des nombreuses régions du monde ravagées par la guerre. Et nous nous demandons pourquoi des enfants meurent encore de malnutrition alors que des compagnies continuent de jeter des millions de tonnes d’aliments parfaitement sains afin de « stabiliser le marché »…
Reflétons-nous encore son image et sa ressemblance après des milliers d’années de péché détruisant une planète qu’au sixième jour de la création, il a qualifié de « très bonne » (Gn 1.31) ?
Le « nous » compte
La création est un bon endroit pour commencer à découvrir des réponses à ces questions difficiles. Des sociologues ont remarqué que la plupart des sociétés peuvent se classer quelque part sur un arc qui va de l’individualisme au collectivisme. Certaines cultures mettent davantage l’accent sur l’esprit communautaire. Dans ces cultures, des individus s’écoutent mutuellement puis trouvent un terrain d’entente, ce qui leur permet de prendre des décisions. Le mot « consensus » n’a pas une connotation négative dans ces sociétés-là.
D’autres cultures apprécient hautement la responsabilité individuelle et la transparence. Chaque individu prend ses propres décisions en se fondant sur sa compréhension de la réalité — et vit ensuite avec les conséquences de ces décisions. Chose intéressante, ces façons de penser sont souvent associées à des emplacements géographiques. La pensée occidentale contre la pensée orientale ; le Nord contre le Sud.
Le récit biblique de la création met l’accent sur la communauté. Adam et Ève furent tous deux créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Ensemble, ils furent invités à être « féconds » (forme verbale au pluriel) et à remplir « la terre » (Gn 1.28). Ensemble, ils reçurent l’ordre de « dominer » le règne animal. Ensemble, ils reçurent de la nourriture en abondance, ainsi que la bénédiction spéciale du sabbat hebdomadaire en compagnie de leur créateur. Ainsi, le « nous » compte dans les Écritures. Dieu fit sortir un peuple de l’Égypte avant de sauver individuellement ceux qui le composaient. Il leur parla collectivement depuis le Sinaï. Ses lois s’étendirent aux générations (voir, par exemple, la formulation du commandement du sabbat dans Exode 20.8-11). Des bénédictions et des malédictions touchèrent des tribus, des familles, et des clans. Caleb et Josué souffrirent des conséquences de la rébellion d’Israël dans le désert pendant 40 ans. Ils reconnurent la puissance du « nous » et en sentirent les effets dans leur vie personnelle. « Nous » peut être une position difficile lorsque nous savons que ce n’était pas de notre faute — et cependant, il fait partie du plan de Dieu pour l’humanité, car il reflète la communauté au sein de la divinité.
Le « je » compte
Nous reconnaissons tous la puissance de la conviction. Nous imaginons Luther se tenant droit devant ses détracteurs à la diète de Worms, réclamant de ne s’appuyer que sur l’autorité des Écritures, et tenant ferme pour sa conviction. Pressé de toutes parts, le moine allemand avait déterminé de rester fidèle à la Parole de Dieu. Depuis lors, les protestants (y compris les adventistes) ont mis l’accent sur la responsabilité individuelle devant Dieu. Ma réponse à l’action de l’Esprit dans mon cœur détermine ma position devant Dieu. Lorsque Jésus appelait des individus pendant son ministère terrestre, il leur disait individuellement : « Suis-moi. »
En fait, la responsabilité et le choix individuels ne sont pas une invention du Nouveau Testament. Ils s’enracinent profondément dans le caractère de Dieu, lequel cherche à diriger l’humanité vers son désir d’une communauté libérée de ses chaînes. Jérémie et Ézékiel, deux prophètes de l’Ancien Testament, ont écrit à ce sujet des centaines d’années avant l’arrivée du Messie. Jérémie 31.29 semble citer un proverbe familier qui fait écho au sentiment courant de sa génération : « Les pères ont mangé des raisins verts, et les dents des fils sont agacées. » Ce n’est pas notre faute, ont dit les gens. Nous souffrons à cause de l’infidélité de nos parents. Le verset 30, cependant, torpille une telle affirmation. « Mais chacun mourra pour sa propre faute ; tout homme qui mangera des raisins verts aura les dents agacées. » Assurons-nous d’entendre Jérémie correctement : Vos choix et vos décisions, dit-il, déterminent votre relation avec Dieu le Créateur. Ne vous cachez pas derrière la culpabilité de vos parents. Reconnaissez votre propre culpabilité.
Entre le « nous » et le « je »
Une compréhension biblique de la nature de l’humanité reconnaît clairement la ligne ténue entre le « nous » et le « je ». La divinité a travaillé de concert pour sauver une planète en rébellion. Le « Faisons les humains à notre image » (Gn 1.26, NBS) n’est pas seulement un système rhétorique indiquant la grandeur du moment. C’est un indice montrant combien Dieu chérit la communauté — même au sein de la création. Cette importante valeur d’une communauté partagée et d’une communion fraternelle de cœur à cœur peut se trouver à des moments cruciaux partout dans les Écritures. Abraham ne quitta pas Ur seul — il faisait partie d’une famille nombreuse, même avant la naissance d’Isaac. Moïse ne construisit pas le sanctuaire, la demeure de Dieu sur la terre, à lui seul. La grâce et la justice doivent être partagées. Le salut vise à atteindre le monde entier.
L’appel de Jésus « Suis-moi » affecta des individus, des frères et des sœurs, des familles, des villes entières. Le sermon de Pierre transforma un grand groupe diversifié de personnes qui, ensuite, se joignirent à une communauté croissante de disciples de Jésus. Ils rompaient le pain, plaidaient pour obtenir le Saint-Esprit, rêvaient de prêcher la bonne nouvelle — et alors, ils comprirent que leurs rêves avaient été trop petits. Parfois, ils luttaient pour rester unis ; parfois, ils se heurtaient aux limites de leurs propres idées préconçues et s’émerveillaient devant l’œuvre de Dieu. Dieu atteint son monde. Dieu traverse les frontières.
Assurément, aucun homme, aucune femme n’est une île. Avec Pierre, Paul, Abraham, Rahab, David (et Martin Luther), nous reconnaissons nous aussi que nos choix personnels affectent le monde dans lequel nous vivons. Nous comprenons que le péché est entré dans le monde à cause du péché d’un seul (Rm 5.12-15) ; mais, continue Paul, « par un seul acte de justice, la justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes » (v. 18). Pour moi, cette nouvelle est suffisamment bonne pour que je la partage volontiers avec ceux qui m’entourent.
Gerald A. Klingbeil. Rédacteur adjoint de Adventist World, est, depuis toujours, fasciné de voir comment Dieu gère la tension entre le « je » et le « nous ».
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