Le point sur les persécutions des Témoins de Jéhovah en Russie.
Présents dans l’Empire russe en 1891 sous la forme des étudiants de la Bible, les Témoins de Jéhovah ont longtemps été l’objet de répression à l’époque du communisme et ont profité de la libéralisation à partir des effondrements de l’URSS en 1991.
Le « Centre administratif des Témoins de Jéhovah de Russie » a été enregistré officiellement le 27 mars de cette année-là. Le 1er janvier 2017, les autorités reconnaissaient 398 organisations jéhovistes, 175 000 fidèles fréquentant le culte dans 2 300 assemblées locales. Pourtant la répression a repris depuis une décennie.
(En Russie comme ailleurs, les Témoins de Jéhovah ne votent pas. Ils refusent le service militaire et les transfusions sanguines et ne saluent pas le drapeau. Leurs dénonciations des Églises heurtent la puissante Église orthodoxe en plein renouveau depuis la chute du communisme. Autant de raisons pour susciter l’hostilité du pouvoir politique qui, depuis Poutine, s’oriente vers le nationalisme et multiplie les entorses aux droits de l’homme. On connaît aussi leur tendance à s’isoler de la société lorsqu’ils voient de l’impiété par exemple dans la célébration de Noël et des anniversaires).
Le moyen de répression en Russie est une loi fédérale de 2002 réprimant les activités extrémistes, de laquelle un amendement de 2006 a supprimé toute référence à la violence et aux appels à la violence pour les caractériser. Dès 2012, le Conseil de l’Europe a appelé les autorités russes à ne pas utiliser cette loi contre les communautés religieuses et citait à cette occasion les Témoins de Jéhovah. En juin 2012 la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise, un organe consultatif du Conseil de l’Europe) a rédigé un rapport selon lequel la formulation nouvelle de la loi était trop imprécise, ce qui ouvrait la voie à l’arbitraire et ce qui permettait de l’utiliser abusivement contre certaines religions, dont les Témoins de Jéhovah. Connaissant la stratégie de ceux-ci qui s’appuient sur toutes les possibilités du droit international pour défendre leur liberté religieuse, on ne doute pas qu’ils aient été actifs pour aboutir à la rédaction de ce document. Effectivement, ils sont dans le collimateur.
Dix ans de répression
L’offensive a été lancée le 15 mars 2007 lorsque le ministre russe de la Justice a déposé une plainte auprès de la Cour suprême pour que le Centre administratif des témoins de Jehovah soit classé extrémiste et donc dissous. Dix ans plus tard, 37 associations cultuelles ont reçu des mises en garde et 10 ont été mises en liquidation. Une centaine d’ouvrages ont été interdits.
À partir de 2015, des mesures concrètes ont été prises contre les institutions nationales jéhovistes.
2015 : l’interdiction du site internet jw.org
Le 7 août 2013, le site internet avait été déclaré « extrémiste » par un tribunal de district, ce qui avait été suivi d’une bataille judiciaire : le 22 janvier 2014, cette sentence a été annulée par un tribunal régional, mais le procureur général adjoint de Russie a introduit un recours auprès de la Cour suprême qui a finalement qualifié le site d’« extrémiste » le 21 décembre 2014. Le 21 juillet 2015, le ministre de la Justice a ajouté le site à la liste fédérale des documents extrémistes et l’a interdit. Le faire connaître malgré tout entraîne des poursuites au pénal.
2016-2017 : l’offensive contre le Centre administratif
Le 2 mars 2016, le Procureur général de Russie a adressé un avertissement au Centre administratif des témoins de Jéhovah de Russie : il serait dissous si dans les deux mois les mesures pour mettre fin aux violations de la loi sur l’extrémisme n’étaient pas prises. D’où une nouvelle bataille judiciaire :
12 décembre 2016 : le tribunal du district de Tverskoy, à Moscou, rejeta un recours du Centre administratif.
16 janvier 2017 : en appel, le Tribunal de Moscou jugea non recevables les arguments mettant en cause la légalité de l’avertissement du 2/3/2016 qui devenait ainsi exécutoire.
2 février 2017 : le ministère de la Justice informa le Centre administratif d’une inspection imminente et demanda la remise de ses documents administratifs, juridiques et financiers.
15 mars 2017 : sous la signature du vice-ministre Sergei Gerasimov, le ministère de la Justice décida la suspension des activités des organisations régionales jéhovistes : elles ne sont pas autorisées à utiliser les médias officiels pour organiser ni tenir des réunions, rassemblements, manifestations, marches et piquets de grève. Il leur est interdit d’utiliser l’argent des dépôts bancaires pour couvrir leurs pertes et payer les amendes qui leur sont infligées.
Les Témoins de Jéhovah ont riposté de deux façons : le 8 février 2017, ils ont introduit une requête auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, et d’autre part, ils ont lancé sur le site internet jw.org un appel à adresser des courriers aux autorités russes pour faire pression. Fin avril, les autorités ont reçu 48 millions venus du monde entier.
Ils ont pu obtenir des soutiens officiels :
Le 28 mars 2017, la Commission d’Helsinki de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) a publié une condamnation de la politique russe contre les Témoins de Jéhovah : rappelant que la Russie est signataire de l’acte final de la conférence d’Helsinki de 1975 qui reconnaît la liberté de tous de pratiquer leur religion, le texte affirme qu’utiliser la législation contre le terrorisme est une erreur qui détourne de réels efforts pour lutter contre le terrorisme.
Le gouvernement russe est accusé d’utiliser la crainte du terrorisme pour limiter la liberté religieuse alors que l’affiliation à une religion n’est jamais une justification pour une persécution. Il faut cesser immédiatement.
Deux jours plus tard, fut publié un texte de l’Union européenne et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) allant dans le même sens. (…)
20 avril 2017 : l’interdiction
Les efforts auront été inutiles : le 20 avril 2017, la Cour suprême a jugé que le siège central et les groupes locaux de Témoins de Jéhovah sont extrémistes. Les activités sont interdites, les biens confisqués, les transactions financières sont bloqués. La décision ne concerne pas que le siège central, mais aussi l’ensemble des organisations locales. On peut s’attendre à de la répression pour ceux qui refuseraient le service militaire.
Mouvements religieux AEIMR et BIA (Bulletin d’informaiton Adventiste).
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