Main Menu

Dialogue avec une neuroscientifique adventiste

Shares

« Chaque fois que je vois ces mains calleuses, les larmes me montent aux yeux. » C’est ce que dit le Dr Rosana Alves – fondatrice et directrice académique de l’institut Neurogenesis – alors qu’elle se remémore son long et fastidieux parcours de São Paulo (Brésil), sa ville natale, à son actuelle résidence à Orlando, en Floride, aux États-Unis. « Ces callosités, poursuit Rosana, constituent un rappel constant pour mes sœurs, mon frère et moi, de l’amour de notre père et de son dur travail en tant qu’ouvrier du bâtiment. »

Issus d’une famille pauvre, les parents de Rosana étaient cependant remplis de générosité, d’amour et de sollicitude. Tôt dans leur vie conjugale, ils ont pris une décision : ils feraient tout en leur pouvoir pour donner la meilleure éducation possible à leurs enfants. « Ils ne cessaient de nous rappeler que nous pourrions devenir tout ce que nous désirions être – à condition d’avoir foi en Dieu et de mettre tous nos efforts pour atteindre notre objectif, se rappelle Rosana. Honnêtement, je ne me suis jamais considérée comme étant très intelligente ! Déterminée ? Peut-être. Je voulais que mes parents soient fiers de moi – c’est ce qui m’a toujours motivée à m’appliquer dans mes études. Pour moi, il était inconcevable de décevoir ceux qui m’aimaient tant et dont l’amour était gravé dans ces mains calleuses. »

Une fois ses études primaires et secondaires terminées, Rosana s’est inscrite à l’institut d’enseignement supérieur et a été facilement acceptée. À l’examen d’entrée pour le programme d’études universitaires en psychologie, elle s’est vue classer quatrième. Elle s’est inscrite à l’université d’État de São Paulo, au Brésil – à l’époque, la meilleure institution tertiaire d’Amérique latine pour le programme de psychologie. Après l’obtention de son diplôme, elle a préparé une maîtrise et un doctorat. Elle s’est ensuite inscrite à deux programmes postdoctoraux en neuroscience, et a remporté un prix national pour le meilleur travail en neurochimie en 2004. En 2013, la future érudite et chercheuse a été invitée à travailler à l’université de Toledo, dans l’Ohio (États-Unis) avec le soutien de l’Institut national de la santé, ce qui l’a menée à une troisième bourse postdoctorale.

En 2016, alors que Rosana est depuis devenue résidente permanente aux États-Unis, son parcours depuis le Brésil a pris un tournant décisif vers la recherche et l’étude. Ce jalon lui a permis de poursuivre ses recherches et ses études en tant que neuroscientifique. Peu après, elle a fondé le Neurogenesis Institute (NGI Center), duquel elle est devenue directrice académique. L’institut offre des cours liés à la neuroscience, des formations et des projets de recherche pour différents professionnels. Il s’agit du seul établissement du genre aux États-Unis à être doté d’une entente de collaboration avec l’université de São Paulo.

Les parents de Rosana ont embrassé la foi adventiste dans la première année suivant sa naissance. Ce jeune foyer adventiste est devenu une forteresse solide d’amour et de foi au sein duquel les enfants ont appris à aimer et à attendre le retour imminent de Jésus. Dans son Église locale, Rosana s’implique activement dans les ministères auprès des enfants, des femmes et de la famille. Cette championne de la foi et des valeurs adventistes est mariée à Andre Luiz Torrez Mota, un consultant financier. Le couple a une fillette âgée de 3 ans.


Dr Rosana, vous dites souvent que votre foi en Dieu est au cœur de votre vie et de votre contribution spirituelles et professionnelles. Pourquoi ?

En un mot, Jésus est mon foyer. Dès ma tendre enfance, j’ai goûté combien le Seigneur est bon à travers mes parents, lesquels prenaient très au sérieux leur nouvelle foi en le retour imminent de Jésus. Ils se sont donné pour objectif de faire de leur foi le fondement de la croissance et du développement spirituels de leurs enfants. Tôt dans la vie, ils nous ont enseigné que Dieu est le Chef suprême de notre vie, qu’il connaît la fin dès le commencement, et par-dessus tout, qu’il peut accomplir toutes choses en notre faveur. Ils nous ont montré que la foi en Dieu est essentielle pour une vie fructueuse et enrichissante. Comme Jésus l’a dit, « Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu ; et toutes ces choses vous seront données par-dessus1. » (Mt 6.33) Cette vérité fondamentale ne nous a pas déçus. Aujourd’hui, mes trois sœurs et mon frère, nos conjoints, nos enfants et moi, sommes tous des membres adventistes fidèles. Je remercie Dieu de ce que la religion a été une chose bien réelle dans mon enfance. Plus tard, en tant qu’adulte et professionnelle, j’ai senti la réalité de l’expérience religieuse dans ma vie quotidienne et dans mon travail.

Qu’est-ce qui vous a poussée à vous spécialiser en neuroscience ?

Dès mon plus jeune âge, j’ai été fascinée par le corps humain et par la façon dont ses différentes parties fonctionnent. Plus j’étudiais la physiologie, plus j’étais impressionnée par les merveilles de la puissance créatrice de Dieu. Comme le psalmiste, je m’émerveillais moi aussi de ce que Dieu a fait : « Je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse. Tes œuvres sont admirables » (Ps 139.14). Les merveilles de la création ainsi que la façon dont le Créateur a conçu notre corps n’ont cessé de me toucher pendant toutes mes études primaires et secondaires. Au cours de mes études universitaires, j’ai continué à explorer la complexité et la beauté des fonctions de l’organisme humain, à chercher des réponses. Puis un jour, en 1998, j’ai eu l’occasion de plonger dans les profondeurs de la neuroscience. On m’a invitée à participer à un projet de cartographie cérébrale pour l’anxiété (une recherche élargie effectuée par le Dr Frederic Graefr, un scientifique de renom). Dès lors, j’ai fait de la recherche en neuroscience – pendant 20 ans, en fait. Et cette discipline me passionne toujours !

Le cerveau est un organisme incroyable. Il pèse approximativement 2 pour cent du poids corporel, mais consomme 20 pour cent de l’oxygène sanguin et 25 pour cent du glucose sanguin. D’un poids de moins de 2 kilos, le cerveau se compose de plus de 80 milliards de neurones et joue un rôle essentiel dans le bien-être de notre organisme. Les scientifiques explorent la capacité du cerveau depuis des années ; cependant, ils sont loin d’en avoir éclairci tous les mystères ! Voici un exemple de ce que le cerveau peut faire :

SLEON UNE ÉUDTE UVREISRAITRNIE, QLEUUQE SIOT L’DRORE DES LTETRES, LA SLEUE COHSE IPMROTNTAE, C’SET QUE LA PERIÈRME ET LA DIÈRNERE LTETRES SNIOET À LA BNNOE PCLAE. MMÊE SI LE RSETE EST UN FILLUOS TAOTL, ON PUET LE LRIE SNAS PEBRLMOE.

Bien que ces mots ne soient pas épelés comme il se devrait, le cerveau peut parer cette déficience. Les bonnes lettres, et le bon ordre dans lequel ces lettres sont disposées, sont importants pour comprendre ce qu’on lit. Cependant, si tel n’est pas le cas, le cerveau utilise sa capacité cognitive pour arriver à la lisibilité. Il peut lire des mots embrouillés et nous aider à les déchiffrer.

Mais la capacité du cerveau va au-delà de ce simple exercice ! Saviez-vous que le cerveau d’une femme développe de nouvelles compétences après un accouchement ? C’est absolument le cas ! Les changements hormonaux qui se produisent chez elle après la naissance de son enfant sont responsables du changement anatomique observé dans des domaines impliquant le raisonnement, la motivation, et l’émotion. Les principaux secteurs changés sont : l’hippocampe(apprentissage et mémoire), l’hypothalamus (motivation et sentiment maternels), la substancia nigra (substance noire) et l’amygdala (amygdale – processus gratifiant et émotionnel), le lobe pariétal (intégration sensorielle), et le cortex préfrontal(raisonnement, planification, prise de décision). De tels changements donnent aux femmes une plus grande capacité à prendre soin de leur nouveau-né. Impressionnant ! Ce sont de telles merveilles qui m’ont motivée à plonger dans les profondeurs de la neuroscience.

Quels sont certains de vos récents projets de recherche importants en neuroscience ?

Eh bien, je dirais l’étude de la longévité et de la qualité de vie. Comme je l’ai déjà mentionné, alors que j’étais au Brésil, j’ai participé à des projets de cartographie moléculaire. Une telle cartographie moléculaire révèle les voies d’accès qui ralentissent ou accélèrent les processus du vieillissement, et nous aide à comprendre des questions relatives à l’apparition des maladies neurodégénératives. Ma recherche s’est focalisée non seulement sur la cartographie moléculaire, mais aussi sur des questions plus pratiques, à savoir comment promouvoir la santé physique et mentale. La recherche théorique est importante, certes, mais la théorie doit se traduire en pratique pertinente – ce sur quoi je me suis principalement focalisée. Ma recherche a donné le jour à un livre facile à lire que j’ai intitulé The Neuroscience of Happiness. Dans ce livre, je propose des changements dans le mode de vie et j’introduis des outils qui aideront le lecteur à faire de tels changements (basés sur des traitements naturels).

Vous faites donc de la recherche hautement scientifique ! Au travail, avez-vous des occasions de partager votre foi/vos convictions avec vos collègues ?

J’essaie d’être non seulement une scientifique qui s’intéresse au fonctionnement du cerveau humain et à ses implications dans la vie, mais aussi une personne qui s’intéresse à ses collègues et à d’autres individus au travail. Être un scientifique ne signifie pas que sa vie se limite à la profession ! Il faut vivre dans le contexte des relations, et les relations incluent de nombreux facteurs : l’amitié, le partage des sentiments, l’écoute active des réussites et des défis de nos semblables, le témoignage de sa foi, et bien d’autres encore. Dans tous ces domaines relationnels, un scientifique chrétien doit trouver des moyens d’atteindre ses collègues. Ceci implique non seulement de partager sa foi, mais aussi de s’intéresser à ses semblables et de les connaître.

En tant qu’adventiste, il y a deux secteurs dans lesquels j’ai beaucoup à partager : mon engagement spirituel et ma responsabilité sociale. Dans le premier, j’ai souvent l’occasion de partager ma foi à propos du retour imminent de Jésus et de l’observation du sabbat. Les deux sont essentiels pour définir mon mode de vie. Ma responsabilité sociale m’aide à leur dire combien mon travail me permet d’apprécier l’œuvre merveilleuse de la création. Chaque jour, je vois dans mon travail les merveilles de la puissance créatrice de Dieu de bien des manières. Ceci m’aide à voir chez tous ceux avec qui j’entre en contact un reflet de l’amour et de la puissance de Dieu. Aimer Dieu et aimer notre prochain doit se fondre dans notre vie professionnelle, quelle qu’elle soit. Une telle perspective a récemment conduit l’un de mes amis, un athée, à étudier ce que la Bible dit sur la vie dans le monde complexe qu’est le nôtre. Je crois en la devise suivante : « Étudie autant que tu peux ; dis tout ce que tu dois dire ; sois actif en tout temps. » Notre vie est encore la meilleure façon de partager notre foi et nos convictions.

Au travail, qu’est-ce qui vous déçoit ? Vous frustre ? Qu’est-ce qui vous apporte la plus grande satisfaction ?

Ma plus grande frustration est sans doute le sentiment de solitude professionnelle. Je connais peu de neuroscientifiques adventistes, et je n’ai malheureusement pas l’occasion de les rencontrer, de partager des défis et des possibilités professionnelles avec eux. Je vous assure qu’il y a de quoi être frustrée. J’aimerais découvrir comment d’autres adventistes exerçant la même profession que moi gèrent leurs frustrations, comment ils relèvent les défis en cours de route, comment ils gardent la foi et la défendent publiquement. J’aimerais beaucoup qu’il y ait une société de neuroscientifiques adventistes !

En revanche, j’éprouve une grande satisfaction lorsque je découvre que la science confirme notre position de longue date sur la relation entre la foi et la santé. C’est avec humilité et honneur que je fais partie de cet important parcours qu’est la découverte de la relation entre la neuroscience et la santé.

En bref, quelle est la découverte la plus précieuse de votre recherche ?

En terme de vie équilibrée, l’une de mes citations préférées se trouve dans Le ministère de la guérison, d’Ellen G. White : « L’air pur, le soleil, l’abstinence, l’eau, le repos, l’exercice, une alimentation judicieuse, la confiance en Dieu, voilà les vrais remèdes. Chacun devrait connaître les traitements naturels et la manière de les appliquer2. » Lorsque ma recherche en neuroscience confirme que nos choix quotidiens en matière d’alimentation, de sommeil et d’exercice ont un impact puissant sur notre qualité de vie, sur le développement des maladies neurodégénératives et sur la longévité, je suis reconnaissante envers Dieu qui nous a donné un merveilleux message sur la santé par le biais de l’Esprit de prophétie. Nous devons faire des choix conscients et intelligents qui influencent positivement notre style de vie. L’adventisme, c’est plus que de la théologie ; c’est un appel pratique à la vraie vie.

Comment arrivez-vous à concilier harmonieusement votre vie personnelle/familiale et votre profession ?

Mon mari est consultant financier – un travail qui l’occupe assez. Mon travail implique la recherche, l’écriture, et le partage de ma vie professionnelle avec d’autres individus en neuroscience. Et nous avons Angelina ! Vive, active, cette petite bonne femme de 3 ans aime beaucoup s’amuser et réclame haut et fort son droit à l’attention constante de ses parents ! Nos professions sont importantes, mais le rôle de parent est un don, un appel, une responsabilité qui nous viennent de Dieu. Depuis qu’Angelina est née, j’ai un peu ralenti au travail, et mon mari a fait quelques ajustements. Quand je voyage pour des raisons professionnelles, mon mari et ma fille m’accompagnent la plupart du temps. Quel plaisir ! Nous veillons soigneusement à ne pas empiéter sur notre temps en famille. La famille est un don de Dieu. Nous devons donc faire l’impossible pour la mettre en tête de nos priorités. Ma famille est la meilleure partie de moi-même !

Quel conseil pouvez-vous donner aux jeunes qui voudraient poursuivre des études en neuroscience et en faire ensuite leur carrière ?

La neuroscience implique une étude du développement et du fonctionnement du système nerveux – cerveau, moelle épinière, cellules nerveuses partout dans le corps. Ces jeunes qui désirent étudier dans ce domaine découvriront de nombreuses possibilités et bien des défis. Ils peuvent choisir de se spécialiser dans une partie du système nerveux, tels que les neurotransmetteurs, ou encore focaliser leur recherche sur des comportements spécifiques, tels que les troubles psychiatriques, ou sur le cerveau et ses impacts sur les fonctions cognitives.

Les études portant sur la neuroscience au niveau de la maîtrise et/ou du doctorat peuvent mener à des opportunités de recherche universitaire dans nombre de professions dans les domaines de la santé et de l’éducation, entre autres. Après l’obtention du diplôme, on peut travailler au sein d’un groupe de recherche en neuroscience – ce qui peut être une aventure formidable !

Un mot final ?

Dieu nous a dotés de sagesse et de connaissance. Cette dotation et tout ce que nous en apprenons a un but : glorifier son nom et être une bénédiction pour tous ceux qui nous entourent. Nous sommes appelés à servir nos semblables. Ma mission consiste à améliorer la vie des autres. En ce moment, j’atteins cet objectif, ce qui me procure une merveilleuse satisfaction. Mon plus grand désir pour nos jeunes, c’est qu’ils puissent découvrir, eux aussi, la mission centrale de leur vie, ne pas la perdre de vue, et rester en contact avec le Créateur. Il comblera tous leurs désirs.

Julián Melgosa, titulaire d’un doctorat de l’université Andrews, à Berrien Springs, dans le Michigan (États-Unis), est directeur adjoint du département de l’éducation de la Conférence générale de l’Église adventiste du septième jour, à Silver Spring, dans le Maryland (États-Unis). La plus récente de ses publications s’intitule Le vrai pouvoir de l’exercice physique : Guide pratique pour vivre sainement et être en forme (Espagne, Safeliz, 2018), dont une recension est faite dans cette publication.

De Julián Melosa
Source : « Rosana Alves : Dialogue avec une neuroscientifique originaire du Brésil », Dialogue 30 (2018/3), p. 28-31

Notes et références

  1. Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.
  2. Ellen G. White, Le ministère de la guérison, p. 102.
Un artiste donne de l’espoir à une famille adventiste en deuil
100ème anniversaire du ministère de la Famille : une nouvelle Bible pour les couples

Adventiste Magazine

La revue officielle de la Fédération des Églises Adventistes du Septième jour de la Suisse romande et du Tessin.

Laissez votre commentaire

ESPOIR MÉDIAS

Top