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Le Dieu du déluge : saint, juste et miséricordieux

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Le récit biblique du Déluge nous dépeint un Dieu puissant mais aussi miséricordieux – un Dieu qui prononce un jugement contre la méchanceté de l’humanité et qui manifeste en même temps une miséricorde et une grâce salvatrices à ceux qui l’acceptent.

Le Déluge est l’une des histoires les plus connues de la Bible. Bien que des récits de déluge apparaissent ailleurs – comme, par exemple, dans des mythologies mésopotamiennes ainsi que dans des légendes chinoises et centraméricaines – le récit biblique, lui, est unique en raison de la façon dont Dieu y est décrit (Gn 6.5-9.17). Unique, premièrement à cause des noms par lesquels Dieu est appelé dans ce passage biblique ; deuxièmement, à cause de ce que les discours de Dieu dans le texte révèlent ; et troisièmement, à cause des actes mêmes de Dieu. Ces trois perspectives nous donnent une image complète de Dieu – un Dieu saint, juste, mais aussi miséricordieux, pédagogue, attentionné et relationnel.

 

LE DÉLUGE : DIEU PARLE

Pour bien comprendre le récit du Déluge, commençons par le fait que le passage clé dépeint Dieu comme l’acteur principal. Le nom générique de Dieu (Elohim) et le tétragramme spécifique (YHWH) sont tous deux utilisés tout au long du récit. Ainsi, le personnage de Dieu, tel qu’exposé par l’auteur biblique, domine l’ensemble du récit.

L’idée maîtresse du récit est la description de Dieu/ YHWH et de sa relation avec l’humanité, Noé étant la personne-contact. Les discours de Dieu occupent une grande partie du récit et sont essentiels pour comprendre comment il est décrit. Parmi les premières paroles que Dieu prononce, il y a son jugement : « J’exterminerai de la face de la terre l’homme que j’ai créé » (Gn 6.7)1. Cet acte divin est un jugement qu’il déverse sur la race humaine, « car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre » (v.12). Ainsi, la première caractéristique attribuée à Dieu, selon son discours, est qu’il est le juge de sa création. De plus, il est le souverain qui exécute ses propres décrets. Cette double caractéristique de Dieu montre son omnipotence, car il est un Dieu qui non seulement déclare ce qui est bien ou mal mais aussi qui a le pouvoir et l’autorité innés pour faire respecter ses déclarations.

Ainsi, Dieu prononce un jugement à cause de la grande méchanceté sur la terre imputable à l’humanité. La méchanceté humaine a eu un impact tellement dévastateur sur la terre que Dieu déclare : « J’exterminerai de la face de la terre l’homme que j’ai créé ». Il agira également en tant que protecteur de la terre et de ses créatures, ainsi que des êtres humains qui lui restent fidèles. Ces décisions nous présentent Dieu comme 1) un juge contre la méchanceté, 2) un Dieu assez puissant pour exécuter ses décrets, et 3) un souverain aimant qui agira en conséquence pour le bien de sa création et des justes (Noé et sa famille).

À travers la proclamation de Dieu, nous voyons qu’il n’est pas seulement le juge mais aussi le sauveur de l’humanité. Dans son premier discours à Noé (Gn 6.13-21), Dieu révèle son jugement pour détruire la terre (Gn 6.13) et ordonne au patriarche de construire une arche assez grande pour lui, pour sa famille, pour ceux qui répondront à son message salvateur, et pour « deux [animaux] de chaque espèce, pour les conserver en vie » (Gn 6.19 ; voir aussi le v. 20). Cela révèle une deuxième caractéristique de Dieu : c’est seulement par la grâce divine que l’humanité peut survivre. Non seulement Dieu partage avec Noé ses plans de destruction de la terre, mais il lui donne aussi des instructions précises sur ce qu’il doit faire pour éviter sa propre destruction, celle de sa famille, et celle de ceux qui choisissent de se joindre à eux dans l’arche.

En outre, grâce au discours direct de Dieu, nous découvrons aussi l’alliance qu’il veut conclure avec l’humanité. Ce thème de l’alliance apparaît dans le récit du Déluge et ensuite tout au long des Écritures. Il émerge une fois au début du récit (Gn 6.18), puis surtout dans la dernière section du récit (Gn 9.9 et suiv.). Berît – le mot hébreu pour alliance – nous dit que Dieu a « l’obligation personnelle2 » de donner sa grâce par laquelle les êtres humains repentants peuvent trouver pardon et salut. Ainsi, « l’alliance [dans le récit du déluge] est strictement un acte de la grâce divine3 ». Dans le récit du Déluge, la répétition du mot « alliance » indique l’importance que Dieu met sur la grâce de l’alliance, confirmée par son « arc dans la nue » (Gn 9.13) – l’alliance finale dans le récit du Déluge, laquelle garantit aux êtres humains qu’« il n’y aura plus de déluge pour détruire la terre » (Gn 9.11).

 

DIEU AGIT DANS LE DÉLUGE

Dieu non seulement parle dans le récit du déluge mais agit aussi en accord avec son discours. Le texte biblique déclare « que la méchanceté des hommes était grande sur la terre », et que cette dernière « était corrompue » (Gn 6.5,12). Il dit également que Dieu a prononcé un jugement sur sa création (voir Gn 6.7,13 et suiv.). Dans toutes ces activités où Dieu voit, sent et juge la faiblesse des êtres humains, il est décrit comme celui qui voit et qui se soucie de ses créatures. En voyant, Dieu prononce un jugement sur la terre et exprime son regret « d’avoir fait l’homme sur la terre » (Gn 6.6). À cause de ce jugement, il est « affligé en son cœur » (v. 6).

Le récit biblique explique qu’après que les eaux aient inondé la terre, « Dieu se souvint de Noé, de tous les animaux et de tout le bétail qui étaient avec lui dans l’arche » (Gn 8.1). Dans la Bible, chaque fois que Dieu « se souvient », « il se réfère à des personnes ou à des événements importants pour les personnes4 ». De plus, l’objet « est fréquemment un individu5 » plutôt qu’un événement ou une chose. Dans cette histoire particulière, lorsque Dieu parle dans Genèse 9.1-17, il promet de se souvenir à la fois de l’alliance elle-même et de « l’occasion de sa réalisation6 ». Ainsi, il est un Dieu qui prend personnellement soin de son peuple, ce qui l’a conduit à mettre en place un signe commémoratif. Il ne suffit pas de dire que Dieu s’est souvenu de Noé ; il faut aussi ajouter qu’il est intervenu également après s’en être souvenu. Le récit dit qu’« il fit passer un vent sur la terre, et les eaux s’apaisèrent » (Gn 8.1). Tel qu’indiqué précédemment, Dieu est assez puissant pour détruire par le biais d’un déluge. Il est également assez puissant pour retirer la destruction qu’il a apportée, pour l’amour de Noé et de sa famille, ainsi que des animaux avec eux dans l’arche. Ce second attribut de Dieu nous fait savoir que, bien qu’il ait dû purifier la terre de ses impuretés, il s’est également souvenu de ses créatures en leur offrant un moyen d’échapper au Déluge.

 

CONCLUSION

Ainsi, l’histoire du Déluge a captivé l’esprit de millions de personnes à travers l’histoire, et occupe une place particulière dans la vision judéo-chrétienne du monde. En l’analysant, nous constatons que Dieu est l’acteur principal de l’histoire. C’est lui qui agit, alors que les autres acteurs de ce scénario réagissent simplement à lui. Dieu est dépeint en tant que Dieu puissant mais aussi miséricordieux – un Dieu qui prononce un jugement contre la méchanceté de l’humanité, et qui manifeste en même temps une miséricorde et une grâce salvatrices à ceux qui l’ont accepté. Ainsi, il s’est révélé à Noé et à sa famille en tant que juge des pécheurs impénitents qui sauve en même temps ceux qui se repentent. Dieu révèle ses actes, son aversion pour le péché, son jugement sur le péché, et par là même, sa grâce salvatrice à ceux qui lui font confiance, qui acceptent sa Parole et lui obéissent. Par le biais du discours indirect, Dieu est décrit comme étant soucieux de sa création et attentif à son bien-être. En conséquence, il prononce, dans sa sagesse, un jugement sur cette génération. Il est aussi décrit comme se souciant de la sécurité et du bien-être de Noé, de sa famille et des animaux dans l’arche, puisqu’il « se souvient » d’eux par la suite, ce qui entraîne l’assèchement des eaux. Enfin, Dieu conclut une alliance de grâce avec Noé et ses descendants. Ce faisant, il s’impose des limites pour continuer à déverser sa miséricorde sur l’humanité.

Que ce soit au milieu de la pandémie de Covid-19 ou de toute autre urgence – ou même à la toute fin des temps – nous pouvons faire face à l’incertitude avec l’assurance que Dieu est non seulement un juge puissant, mais aussi un Dieu miséricordieux et attentionné, un Dieu qui s’est engagé dans une relation d’alliance afin que nous puissions être sauvés.

Juan Esteban Mora poursuit une maîtrise à l’École internationale Rothberg à l’université hébraïque de Jérusalem, en Israël. Son courriel : juanes10mora@gmail.com.

De Juan Esteban Mora
Source : « Le Dieu du déluge : Saint, juste et miséricordieux », Dialogue 32 (2020/3), p. 15-17


  1. Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.
  2. Ernst Kutsch, “berît.” Dans Theological Lexicon of the Old Testament, vol. 1, Ernst Jenni, Claus Westerman, Mark E. Biddle, éds., Peabody, Mass., Hendrickson, 1997, p. 262. Selon cette citation, le mot alliance ne doit pas être compris conformément à la définition moderne. Dans de nombreux cas, dans la Bible et dans les cultures de l’ancien Proche-Orient, le terme « alliance » est mieux compris comme un traité dans lequel la partie la plus forte promet de s’imposer quelque chose, et dans lequel la partie la plus faible « peut accepter une telle obligation » (Ibid., p. 259).
  3. Nahum M. Sarna, Understanding Genesis: The World of the Bible in the Light of History, New York, Schocken Books, 1970, p. 57.
  4. H. Eising, « zākhār », dans Theological Dictionary of the Old Testament, vol. 4, G. Johannes Botterweck, Helmer Ringgren, éds., Grand Rapids, Mich., Eerdmans, 1980, p. 69.
  5. Ibid., p. 69, 70.
  6. Ibid., p. 71.
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