En relation avec les musulmans à la manière du Christ.
Cet article tente de comprendre la structure fondamentale de l’islam, et la rattache à une vision chrétienne du monde et à une théologie chrétienne. Dans un monde de plus en plus divisé sur les questions ethniques et religieuses, il invite à établir, à la manière du Christ, une relation avec des gens imprégnés des visions islamiques du monde. – La rédaction.
Les réflexions suivantes sont conçues pour fournir une compréhension approfondie d’un credo répandu à travers le monde entier, aux multiples facettes : l’islam et son projet pour l’humanité. Elles sont également destinées à montrer comment agir, témoigner, et servir à la manière du Christ des gens avec ou sans allégeance spirituelle. La mission terrestre de Jésus se fondait sur l’onction du Saint-Esprit et la manifestation du fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur, maîtrise de soi. Tous ceux qui prétendent suivre le modèle de Jésus doivent établir une relation avec leurs
semblables de la même manière que lui. Jésus jette des ponts au moyen de dialogues authentiques, de la vérité, et d’un engagement envers le bien-être d’autrui. À cet égard, les relations interconfessionnelles constituent un forum idéal pour imiter le caractère, le modèle et les méthodes de Jésus.
Mais avant d’aller plus loin, reconnaissons d’abord que chaque tradition religieuse présente une mosaïque de croyances, d’orientations et de mouvements. Pour chacune d’elle, on distingue plusieurs versions de la même confession. Il existe aussi des compréhensions contradictoires de la définition de l’idéal de chacune d’entre elles.
Une compréhension approfondie de l’islam permet de comprendre les différentes identités musulmanes, leurs affirmations essentielles, et leurs caractéristiques contextuelles. Les musulmans partagent certainement des idéaux identifiables à travers les piliers de l’islam : profession de foi, prières, actes de charité, jeûne, pèlerinage à la Mecque. Ils partagent aussi des valeurs fondamentales telles que
la piété et un sens de la justice. Toutefois, les différentes expressions locales de la foi islamique ont fait du dialogue mondial sur l’islam une tentative complexe et souvent difficile.
C’est à partir du Coran, considéré infaillible et non créé, que les musulmans partagent les vertus et les valeurs principales de deux autres religions souvent qualifiées de traditions religieuses monothéiste abrahamique. Tous apprécient la miséricorde et la compassion qui, selon le premier chapitre (surah) du livre que tous les musulmans révèrent, sont des attributs divins. Tout musulman se doit de posséder la vertu suprême appelée « taqwa » – un terme rendu par « piété », « justice », ou même « crainte ou révérence constante pour Dieu ». Les écrits musulmans recommandent hautement la générosité et le partage des biens personnels ; mais qu’est-ce qui distingue cette confession dont les adeptes se chiffrent à quelque 1,6 milliard de la population mondiale ?
L’islam à la loupe
L’islam est une religion qui se base fondamentalement sur l’unicité d’Allah – le nom arabe pour Dieu – sur l’unité de la réalité, de l’existence humaine, et de la religion. Il cherche à unifier le monde en se fondant sur l’unité des religions révélées, lesquelles sont toutes des expressions de l’islam, première religion
révélée.
Ainsi, les musulmans croient qu’Adam, Abraham, Moïse, et Jésus étaient tous des musulmans, puisqu’ils se sont abandonnés et soumis à Allah, le seul Dieu. Dans la forme qu’il a prise sous l’influence du prophète Mahomet, l’islam est alors une restauration de la religion adamique primitive et de la foi abrahamique authentique.
Sous un autre angle, l’islam constitue une protestation contre tout ce qui menace l’unité de l’existence, et une diatribe violente contre le polythéisme et l’idolâtrie. Ce qu’il réclame principalement, c’est la restauration de la véritable adoration, ce qui signifie avant tout la soumission à Allah, seul Dieu, Seigneur des mondes, et Réalité totale. Cette soumission s’exprime, entre autres choses, par la prosternation lors des prières rituelles.
Au cœur même de sa doctrine, l’islam inscrit la solution pour réunir en un seul corps toute la famille humaine. En tant que communauté mondiale, les musulmans arriveront-ils à s’unir pour jouer de façon significative le rôle vital qui consiste à unifier l’existence humaine dans la paix, la justice, et l’harmonie ?
Cela est, certes, un défi, et reste encore à prouver. Les particularismes et l’idéologie de suprématie arabe sont, semble-t-il, un obstacle majeur et insurmontable. La Pentecôte et son cadre révolutionnaire de diversité dans l’unité du Saint-Esprit n’entrent pas dans sa trajectoire. Le désir puissant d’élever
l’arabe au rang de langue sacrée peut constituer à lui seul une barrière formidable à la reconnaissance de toutes les langues en tant que véhicules appropriés du sacré.
Relations et conquêtes
Tout au long de l’histoire, des millions de musulmans se sont assimilés à d’autres peuples – à leurs caractéristiques, langues et cultures distinctives. Les conquêtes et les assujettissements sanglants de populations tout entières à la foi musulmane ont alterné avec de nobles relations interethniques et
interconfessionnelles. Des marchands musulmans ont commercé honnêtement et de bonne foi avec différentes populations locales, tandis que des conquérants musulmans ont aussi assujetti, castré et esclavagé cruellement des gens depuis l’Afrique jusqu’au Moyen-Orient, jusqu’au sud-est de l’Asie et ailleurs. Semblable à la traite transatlantique des esclaves, la traite transsaharienne des esclaves n’a
pas été moins génocidaire. Elle a commencé plus tôt et duré plus longtemps.
Entre l’idéal de l’unité de l’humanité, de l’unité de la vraie religion, et de l’unité de tous les peuples en tant que descendants d’Adam, les vrais contextes de la vie musulmane dans différents pays, religions et localités racontent des histoires complètement différentes. Ils soulignent une interaction complexe des couches multiples des divisions humaines, une lutte pour trouver un sens, et des différences d’interprétations alors qu’on se réclame d’une même foi. Au sein même de l’islam, les approches envers le divin et les relations avec le reste de l’humanité sont, en effet, interprétées différemment.
Plus d’une seule voix
L’histoire contient à la fois des récits d’unité au nom du seul Dieu, d’une seule communauté, et d’une seule destinée, et des récits de divisions, de pluralité de modes d’existence devant l’Être divin, celui-ci étant totalement autre et irréductible pour n’importe quel dogme ou formule. Des histoires de divisions
basées sur différentes compréhensions de la légitimité du leadership font partie du tissu de la religion appelée islam. Parmi les musulmans chiites (shi’a), un besoin de restauration de l’orientation ultime de la communauté musulmane sépare des millions de musulmans d’autres musulmans qui professent pourtant,
affirment-ils, la même foi. Les musulmans sunnites (sunni), eux, n’attendent pas un imam eschatologique ou un ayatollah (« signe de Dieu ») en tant que dirigeant des musulmans, surtout pendant le temps de la fin. Néanmoins, bien qu’interprétée différemment des enseignements du Nouveau Testament, l’attente
du retour du Messie Jésus-Christ, espérance irréductible, se retrouve dans les discours islamiques sur les scénarios du temps de la fin.
Il existe, en fait, des vides et des différences d’interprétation de l’islam au sein même des communautés musulmanes. Outre l’allégeance envers l’origine divine et l’impossibilité d’imiter le texte arabe du Coran – révélation infaillible de la volonté d’Allah – la communauté présente davantage une mosaïque de fois
qu’une foi monolithe. Le sunnisme, le chiisme, et le soufisme, pour ne mentionner que les traditions principales, offrent différentes versions de leurs perceptions, affirmations, histoires, et trajectoires de compréhension.
Commençant très tôt dans l’histoire de la communauté musulmane, les rivalités et les luttes intestines ont fait partie de la lutte pour l’âme de l’islam, au point où trois des quatre successeurs immédiats du prophète Mahomet ont été assassinés.
Même si les divisions parmi les musulmans sont un phénomène complexe – elles impliquent, en effet, différents éléments politiques, tribaux, socioculturels et économiques – les allégeances sectaires, elles, ont joué un rôle significatif dans les conflits qui divisent la communauté musulmane. Les éléments religieux sectaires peuvent expliquer certaines des divisions parmi les musulmans. Des guerres par procuration intègrent tous ces éléments. Bien que n’étant pas les uniques facteurs, les rivalités entre sunnites et chiites jouent néanmoins un rôle de premier plan et ne devraient pas être minimisées. Elles se manifestent en Irak, en Syrie, et au Yémen. Ces rivalités ont constitué un facteur certain dans la guerre Iran/Irak qui s’est étirée pendant près d’une décennie. Elles constituent aussi un élément du paysage religieux libanais. Les tensions actuelles entre l’Arabie saoudite et l’Iran sont une autre démonstration des allégeances le long de ces lignes sectaires. La liste des pays se rangeant du côté des Saoudiens, par exemple, contient – et ce n’est pas étonnant – le Koweït, les Émirats arabes unis, et le Soudan. Ces pays sont dominés par le sunnisme.
Ces divisions, cependant, ne racontent pas toute l’histoire. Les musulmans ont inscrit dans leur foi des principes de solidarité, lesquels, s’ils étaient suivis, rapprocheraient beaucoup plus les familles humaines les unes des autres. Le problème, ce n’est pas l’islam. Les comportements sectaires, l’égoïsme exclusif,
de même qu’un esprit conquérant et meurtrier dérobent à la famille humaine tout entière son droit à la paix, à la justice, et à la liberté.
Leçons tirées du domaine de la religion comparée
Lorsqu’on regarde à travers le prisme des religions comparées, on découvre que les musulmans considèrent les autres religions – et le christianisme en particulier – à partir de plusieurs perspectives.
L’islam radical postule que l’islam abroge la foi chrétienne en restaurant la vraie foi qui a été corrompue au fil de l’histoire.
À part la radicalisation ou la politisation de la religion de l’islam par une minorité de musulmans, les revendications d’abrogation et de restauration offrent des éclairages particuliers sur la façon dont la foi chrétienne et la foi islamique interprètent différentes visions du monde.
Les musulmans ont le droit de déclarer qu’ils ont la meilleure religion, le livre le plus précis, et le plus grand prophète. Le droit à de telles déclarations est garanti par les provisions de la liberté religieuse dans des alliances, des congrès, des traités, des déclarations, et des lois à l’échelle internationale. La liberté de
pensée, de croyance, de conscience et d’expression est la prérogative de tous les individus et peuples.
Selon les croyances et la pratique musulmanes, l’islam rétablit le statut de sainteté lié aux endroits, aux objets et aux peuples que le christianisme biblique a eu tendance à relativiser en faveur d’un accès direct à Dieu le Père par JésusChrist, le Fils, et par le Saint-Esprit. Ce genre de langage sur Dieu n’entre pas
dans le discours islamique, ni aucune spéculation sur la nature divine. Bien que constituant l’essentiel de la nouvelle identité de ceux qui croient en Jésus-Christ, l’idée de la filiation – Dieu a adopté les êtres humains pour ses enfants – ne s’y trouve pas non plus. Voici ce que l’Évangile de Jean déclare au sujet de Jésus en tant que Parole de Dieu éternelle : « Elle est venue chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçue ; mais à tous ceux qui l’ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom et qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu1 . » (Jn 1.11-13)
La venue de Dieu dans la personne de Jésus-Christ a établi une nouvelle alliance, caractérisée essentiellement par un accès libre et direct à Dieu.
1. La notion de « lieux saints » renversée
Jésus a dit à la Samaritaine que des endroits tels que Jérusalem ou le mont Garizim n’étaient plus des lieux saints obligatoires. Par conséquent, dans la perspective d’une nouvelle alliance, le pèlerinage en soi n’est pas obligatoire. Les adorateurs que Dieu recherche sont ceux qui l’adorent en esprit et en vérité (Jn 4).
Dieu, à travers Jésus-Christ et le Saint-Esprit, promet que là où deux ou trois sont réunis en son nom, il sera au milieu d’eux. De plus, il a la liberté de demeurer dans le cœur des croyants, lesquels deviennent eux-mêmes des temples de Dieu (1 Co 6.19).
La centralité de la Mecque, associée au Hajj, cinquième pilier de l’islam, place l’islam sur une autre trajectoire quant à l’importance des lieux saints.
2. La fonction des langues saintes changée
À la Pentecôte, toutes les langues devinrent un véhicule du sacré. Elles devinrent des langues saintes parce que capables d’exprimer les merveilles du Très-Haut.
L’islam rétablit et élève uniquement l’arabe en tant que langue sacrée de la prière et de l’adoration. Une traduction possible du Coran est, à ce jour, remise en question. Les traductions sont, au mieux, considérées comme des interprétations approximatives. La croyance que le Coran est inimitable renforce une telle compréhension.
3. Le statut des objets saints ou des sacrifices reconsidéré
Le statut des objets saints – qu’il s’agisse de sacrifices, d’eau sainte, ou de reliques – n’est pas interprété de façon unanimement favorable parmi les chrétiens. Quant aux sacrifices, Jésus se présente lui-même en tant que l’ultime sacrifice. Il a été offert une fois pour toutes, ce qui rend le système sacrificiel obsolète. La façon dont Hébreux 10.1-7 (LSG) l’exprime est significative :
« En effet, la loi, qui possède une ombre des biens à venir, et non l’exacte représentation des choses, ne peut jamais, par les mêmes sacrifices qu’on offre perpétuellement chaque année, amener les assistants à la perfection. Autrement, n’aurait-on pas cessé de les offrir, parce que ceux qui rendent ce culte, étant une fois purifiés, n’auraient plus eu aucune conscience de leurs péchés ? Mais le souvenir des péchés est renouvelé chaque année par ces sacrifices ; car il est impossible que le sang des taureaux et des boucs ôte les péchés. C’est pourquoi Christ, entrant dans le monde, dit : Tu n’as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m’as formé un corps ; tu n’as agréé ni holocaustes ni sacrifices pour le péché. Alors j’ai dit : Voici, je viens – dans le rouleau du livre il est question de moi – pour faire, ô Dieu, ta volonté. »
C’est sur la base de cette compréhension que les chrétiens ont cessé d’offrir des sacrifices d’animaux. Cependant, ils ont adopté différentes compréhensions de l’Eucharistie, des éléments de la communion, des emblèmes du sacrifice du Christ par lesquels sa présence mystique est signifiée ou rendue réelle. Les
dialogues et les relations inter-Églises trébuchent considérablement sur cette question chrétienne vitale.
4. La nécessité d’un personnel saint (pour se charger de la médiation) abrogée
L’abrogation du sacerdoce lévitique est l’un des arguments principaux de l’auteur de l’épître aux Hébreux. Son point principal est le suivant : les prêtres lévitiques décédaient et devaient être remplacés. La succession était, par conséquent, une partie intégrale de leur mandat. D’un autre côté, Jésus-Christ a conquis la mort, et ainsi, vit éternellement. Par conséquent, il exerce un sacerdoce insurpassable.
Son ministère de souverain sacrificateur n’est pas transmissible, car lui, le Médiateur, peut sauver parfaitement celui qui s’approche de Dieu à travers lui (He 7.23). Tout cela, soutient l’auteur de l’épître, parce qu’il est toujours vivant pour intercéder en notre faveur et nous venir en aide. Ce concept biblique, selon lequel seul Dieu peut mener à Dieu, confronte les raisons de la médiation et de l’intercession des dirigeants spirituels au sein des traditions islamiques soufis. Selon l’apôtre Paul, Jésus-Christ, Dieu incarné, est l’unique Médiateur. Tous les êtres humains, créés à l’image de Dieu, ont accès au Créateur.
La foi chrétienne se fonde totalement sur ce nouvel accès à Dieu, rendu possible par l’incarnation divine à travers Jésus-Christ, seul Médiateur entre Dieu et les êtres humains, déclare 1 Timothée 2.3-6 :
« Cela est bon et agréable devant Dieu, notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu, et les hommes, le ChristJésus homme, qui s’est donné lui-même en rançon pour tous ».
5. Le concept de l’égalité en dignité devant Dieu révélé
Le concept de l’égalité est au cœur de la nouvelle alliance qui nous donne directement accès à Dieu. Dieu est favorablement disposé envers chaque être humain, puisqu’il nous a tous créés à son image. La volonté absolue de Dieu est d’accueillir chacun de ses enfants. En ce sens, Jésus a lancé un appel à chacun dans ce monde.
« Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos pour vos âmes. Car mon joug est aisé, et mon fardeau léger. » (Mt 11.28-30)
Jésus a promis qu’il ne rejetterait pas ceux qui viendraient à lui. L’une des raisons pour lesquelles il insistait pour révéler Dieu en tant que Père, c’était pour encourager la famille humaine à venir directement à Dieu avec confiance. Le concept de l’égalité est au cœur même de la foi de Jésus. Cette égalité se base
sur la promesse de la nouvelle alliance, promesse d’un accès direct à Dieu.
6. La notion d’une nation sainte ou d’un peuple saint redéfinie et élargie
Dans l’épître qui porte son nom, l’apôtre Pierre décrit une communauté globale de gens de toutes nations et de tous peuples comme appartenant au peuple de Dieu – un peuple saint, et une nation sainte. Il l’exprime en ces termes : « Vous, par contre, vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple racheté, afin d’annoncer les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière ; vous qui, autrefois, n’étiez pas un peuple et qui, maintenant, êtes le peuple de Dieu ; vous qui n’aviez pas obtenu miséricorde et qui, maintenant avez obtenu miséricorde. » (1 P 2.9,10)
Considérer un groupe ethnique comme étant supérieur à un autre va carrément à l’encontre de la révélation de notre humanité commune. Le choix que Dieu fit d’Abraham stipulait que ses descendants devaient être une bénédiction et en bénédiction à toutes les familles de la terre (voir Gn 12.5).
7. Les distinctions religieuses-culturelles transcendées
Les caractéristiques culturelles distinctives issues de la notion de l’élection sont fondamentales dans la définition de l’identité. Elles sont transcendées en faveur d’une nouvelle alliance où ce qui compte réside ailleurs. L’apôtre Paul souligne cette question à plusieurs reprises.
« Car ce n’est rien que d’être circoncis ou incirconcis ; ce qui est quelque chose, c’est d’être une nouvelle créature. Paix et miséricorde sur tous ceux qui suivront cette règle, et sur l’Israël de Dieu ! » (Ga 6.15,16, LSG)
« Car, en Jésus-Christ, ni la circoncision ni l’incirconcision n’a de valeur, mais la foi qui est agissante par la charité. » (Ga 5.6, LSG)
« La circoncision n’est rien, et l’incirconcision n’est rien, mais l’observation des commandements de Dieu est tout. Que chacun demeure dans l’état où il était lorsqu’il a été appelé. » (1 Co 7.19,20, LSG)
Par conséquent, être dans la nouvelle alliance, c’est être une nouvelle créature, c’est avoir une foi qui s’exprime à travers l’amour et l’observation des commandements de Dieu.
8. Le statut de serviteur transformé en filiation
L’Évangile annonce que Dieu a donné à tous ceux qui croient au nom de Jésus le pouvoir de devenir enfants de Dieu (voir Jn 1.12). L’un des concepts clés exprimant le salut, c’est la notion de l’adoption.
Pour ceux qui sont en Christ, il n’y a plus de condamnation, insiste Paul. En outre, il spécifie : « Et vous n’avez point reçu un esprit de servitude, pour être encore dans la crainte ; mais vous avez reçu un Esprit d’adoption, par lequel nous crions: Abba ! Père ! L’Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers : héritiers de Dieu, et cohéritiers de Christ » (Rm 8.15-17, LSG).
La réalité de la filiation est, pour les rachetés, l’une des caractéristiques distinctives de la foi chrétienne biblique. Ce concept d’êtres humains entretenant une relation filiale avec Dieu fait partie intégrante de la bonne nouvelle de la foi chrétienne. Il n’est pas mis en valeur dans le Coran. C’est vraisemblablement
parce que l’utilisation d’un tel concept aurait été à l’encontre de la diatribe contre les représentations idolâtres de fils et de filles d’un dieu à la Kaaba, aux temps préislamiques.
Au sein du christianisme, cependant, ce concept de filiation est au cœur même de la nature de Dieu et du statut du racheté.
9. Le retour de Jésus en tant qu’espérance du triomphe sur le mal
Le retour de Jésus est le temps décisif où tous les royaumes de ce monde céderont le pas au royaume de Dieu, tel que prophétisé dans les livres de Daniel et de l’Apocalypse, entre autres références bibliques. Jésus, en tant que Roi des rois et Seigneur des seigneurs, assumera son règne universel. C’est là l’essence même de la bienheureuse espérance, selon la nouvelle alliance (voir Tt 2.11-15).
De plus, Jésus, selon sa promesse, ressuscitera ceux qui croient en lui (Jn 6.40). Il peut le faire parce qu’il a vaincu la mort. Il a les clés de la mort et du séjour des morts (Ap 1.18). Il est la résurrection et la vie. Cet événement constitue le point culminant de l’histoire de la terre, lorsque la résurrection et la victoire de Jésus sur la mort seront le privilège des croyants. Jésus a la puissance de ressusciter les morts ! C’est là une pierre angulaire de la foi chrétienne.
10. Le salut conçu en tant que participation dans la vie et la destinée de Jésus-Christ
Dans l’islam, le salut est un concept aux facettes multiples. C’est l’entrée au Paradis, la sécurité, la protection, l’évitement de l’enfer, et la récompense ou le prix qui consiste à jouir de la félicité éternelle.
Dans la foi chrétienne, la trajectoire dominante du salut a trait à la réconciliation, à l’expiation, au retour à la maison, et à la communion avec Dieu. Dans la foi chrétienne, la notion globale du salut s’inscrit sur une trajectoire différente.
Elle traite d’un Dieu qui a tellement aimé ceux qu’il a créés à son image qu’il s’est joint à nous dans notre désastreuse situation. Il s’est identifié à nous, portant sur lui le péché et la malédiction, lesquels planent sur toute l’humanité et la création. Pour purifier l’univers, il a absorbé le péché – ce mal qui s’est infiltré
dans tous les aspects de l’existence humaine.
Le salut, c’est le rétablissement de la relation avec Dieu. Comme dans l’islam, c’est la soumission à la volonté de Dieu, l’entrée dans son royaume, lequel commence dès maintenant – même s’il ne sera consommé qu’au retour de Jésus.
Jésus a exemplifié ce que veut dire être sauvé quand il a dit : « Que ta volonté soit faite ».
Jésus incarne le salut. Il est le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par lui, en communion avec le Saint-Esprit. Son nom même signifie « Yahvé sauve », et révèle son identité ainsi que sa mission. Jésus est venu ici-bas pour que les êtres humains puissent avoir la vie en abondance.
Le salut en Jésus a aussi trait à la neutralisation des puissances du mal et des esprits méchants qui détruisent la création de Dieu. Jésus a démontré qu’il a le pouvoir de les rendre inoffensifs. Le salut est, ultimement, la délivrance du dernier ennemi – la mort, nous dit la Bible. La résurrection de Jésus a suscité
une ère nouvelle. Rien, par conséquent, ne peut priver les croyants d’avoir un libre accès à la communion avec Dieu.
Le salut, c’est être incorporé en Christ, c’est être greffé à sa vie, à sa victoire, et à son histoire. Le christianisme, c’est principalement la croyance et l’expérience du triomphe de la vie rendues gracieusement disponibles en Jésus-Christ.
Conclusions
En dépit de l’apparente simplicité d’une religion aux piliers clairement définis, l’islam est une religion complexe. Elle reflète non un monolithe, mais plutôt une mosaïque. C’est une religion diverse, aux multiples facettes, qui défie les généralisations. Les musulmans semblent unis sur les fondements de leur foi, mais cette unité déclarée est néanmoins illusoire. L’islam, une religion qui prétend inclure la paix en tant que valeur fondamentale intrinsèque, a ses adhérents impliqués dans différentes guerres qui ont commencé dès ses débuts, guerres qui font encore partie des divisions amoindrissant la réalité de l’idéal.
Cependant, l’islam en lui-même n’est pas à blâmer pour la politisation ou la militarisation d’une religion qui a décidé de s’attaquer, au septième siècle après Jésus-Christ, aux injustices sociales, à l’impiété, au manque de solidarité, et à l’inégalité dans la péninsule arabique.
Tout le monde a le droit de faire des déclarations, musulmans et chrétiens inclus. Les gens avec ou sans allégeance spirituelle ont droit à leur liberté de conscience et d’expression. La vie au sein des sociétés pluralistes exige un tel niveau de tolérance sans qu’il soit nécessaire d’adhérer aux croyances ou aux
incroyances des autres.
Les musulmans ont, à l’instar d’autres confessions monothéistes, des valeurs qui sont traditionnelles telles que la compassion, la miséricorde, l’hospitalité, la générosité, la solidarité, le soin envers les pauvres, les veuves et les orphelins. En fait, cet aide apportée aux vulnérables fait partie intégrale de ce que signifie être musulman. L’islam, la foi chrétienne, et d’autres traditions religieuses mentionnent des attributs de Dieu qui sont similaires. On trouve, cependant, des différences irréconciliables quant à la compréhension de la personne de Dieu et à la façon dont il établit une relation avec l’humanité. Les trajectoires développées dans l’islam et au sein du christianisme ne sont pas similaires. La divinité de Jésus-Christ et son œuvre de salut sont étrangers au discours islamique.
L’édifice du christianisme et celui de l’islam sont construits sur des fondements différents. Il y a néanmoins des intersections de leurs valeurs permettant aux hommes de bonne volonté de se respecter et de s’honorer les uns les autres au nom d’une humanité commune. Les gens peuvent croire de façon différente tout en acceptant authentiquement l’humanité des autres et leur droit d’être respectés. Les gens se sentaient spéciaux lorsqu’ils rencontraient Jésus. Ceux qui rencontrent des disciples de Jésus devraient sentir la même chose, comme s’ils rencontraient Jésus lui-même. Il est possible d’être loyal sans faire de compromis avec ses croyances, ses visions du monde, et ses valeurs, tout en respectant et aimant nos semblables. On peut être comme celui qui, étant la personnification même de la vérité, s’est pourtant librement mêlé aux autres, promouvant la vie grâce au fruit du Saint-Esprit.
Source www.adventistreview.org/assets/public/ads/French-Building-Bridges-of-Hope-Faith-and-Love.pdf
Par Ganoune Diop, titulaire d’un doctorat, est directeur des Affaires publiques de la Conférence générale. Il sert également en tant que secrétaire général de l’Association internationale de la liberté religieuse.
1 Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Segond, dite à la Colombe.
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