La sortie du film « Tu ne tueras point » (Hacksaw Ridge, 2016, Mel Gibson) ne cesse de faire couler beaucoup d’encre et de susciter des réactions. D’un côté, il y a ceux qui touchés par ce long métrage et son histoire se demandent qui sont les adventistes. D’un autre, ceux qui dérangés par le témoignage et le choix de vie simple de Desmond Doss, personnage central de l’histoire, s’en prennent directement ou indirectement à l’église adventiste et à ses membres.
Assez curieusement, ces derniers remettent en cause le comportement du personnage principal du film. Contrairement aux figures largement représentées dans les films hollywoodiens, Desmond Doss est un héros qui ne se rebelle pas, qui ne cherche pas à se venger de ses camarades et de sa hiérarchie qui l’attaquent moralement et physiquement. Il refuse de tuer l’ennemi. Et surtout, il risque sa vie pour ceux-là mêmes qui lui ont fait du mal auparavant. Desmond Doss aura sauvé 75 vies au final, sur-le-champ de bataille. Visiblement cela peut déranger, voire susciter des critiques.
C’est justement ce qu’il s’est passé sur le plateau de la Radio et de Télévision Suisse (RTS) le mercredi 1er février 2017, lors de l’émission « Le rendez-vous du cinéma », où Julie Evard et Raphaëlle Bouchet présentent les dernières sorties cinéma. Leur critique personnelle de ce film s’est rapidement transformée en plaidoyer contre les valeurs (notamment religieuses) mises en lumière par Mel Gibson et au final contre l’église adventiste. Ceci constitue à nos yeux une grossier amalgame, la production du film étant une chose et l’église adventiste une toute autre.
Entre rires moqueurs et mépris, elles ont qualifié le film, mais surtout les valeurs véhiculées par le film avec des termes assez violents telles que : affreux, moralisateur, bedeau, niais. En essence, les deux commentatrices déclarent que le film est de la bigoterie (soit, la pratique bornée et aveugle de la dévotion) et fait du prosélytisme : « C’est un film publicitaire pour l’église adventiste ».
Voici donc notre analyse.
(1) Est-ce que le récit d’une histoire véridique d’un homme qui vit selon des valeurs basées sur des principes bibliques peut être réduit à de la simple bigoterie ?
Pour répondre à cette question, prenons deux exemples. Est-ce que mesdames Evard et Bouchet ont été autant scandalisées avec le film “L’impossible pardon” (Amish Grace, 2010, Gregg Champion) qui retrace la tuerie de plusieurs enfants en Pennsylvanie dans une école Amish ? En effet, ce film raconte l’histoire d’hommes et femmes pieux, dont certains ont perdu leurs enfants dans ce massacre, qui vont faire un incroyable travail de pardon vis-à-vis de la famille du tueur. Ils vont délivrer cette famille à jamais du sentiment de culpabilité qui pourrait les détruire. Le film se termine avec les images des enfants du tueur en compagnie d’enfants amish. Peut-on appeler cela du prosélytisme, une incitation à devenir amish (aux États-Unis) ou mennonites (en Suisse) ?
Que dire alors du film « Un cri dans la nuit » (Evil Angels, 1988, Fred Schepisi) qui raconte la plus grande bavure judiciaire de l’histoire moderne en Australie ? Fait-il de la publicité pour l’église adventiste ? Dans ce terrible récit de la disparition d’Azaria Chamberlain, bébé de dix-neuf mois, des policiers très maladroits vont accuser la mère, épouse d’un pasteur adventiste prénommé Michael, de l’avoir étranglée puis caché son corps. Non seulement le couple, mais l’église adventiste tout entière souffre de terribles soupçons. Certains lancent même des accusations de rites sectaires de sacrifices d’enfants, ce qui révèle une énorme méconnaissance de l’église adventiste du 7ème jour, de ses valeurs et de son engagement dans la société. Finalement, la vérité éclate : un dingo (chien sauvage d’Australie) est responsable de l’enlèvement et de la mort du bébé. La mère passera presque 3 ans en prison jusqu’à prouver son innocence. Avec son mari, pasteur Chamberlain, également déclaré coupable de connivence, ils vont se battre contre tous pour finalement, presque 30 ans après, prouver leur totale innocence. Même l’argent que le gouvernement a payé en dédommagement n’enlèvera en rien leur souffrance pendant toute cette période. Sans parler bien évidemment des raccourcis et attaques que tous les adventistes ont dû subir pendant toutes ces années en Australie.
Ces deux films mettant en scène des personnes religieuses font-ils pour autant du prosélytisme, de la propagande pour une religion ou une autre ? Ou racontent-ils tout simplement l’histoire extraordinaire d’individus animés par une force de conviction, communément appelée la foi dans le milieu religieux ?
N’est-ce pas justement le côté hors du commun qui est mis en avant, comme dans n’importe quel film hollywoodien ? L’intention n’est-elle pas de présenter des modes de vie et de pensée différents ? Pourquoi l’appartenance à une religion doit-elle être attaquée alors qu’on ne remet aucunement en question dans les autres films les appartenances à un parti politique, à un groupe tel que le spiritisme, à une croyance telle que la sorcellerie, à un mouvement de pensée tel que l’hédonisme ? Pourquoi le fait de penser à contre-courant de ce que la majeure partie de la société revendique doit être ridiculisé ou blâmé ?
(2) Revenons à Desmond Doss qui, dans sa naïveté, s’est engagé à aider son pays sans renoncer à ses valeurs, notamment la non-violence. Mme Bouchet l’accuse d’être moraliste. La question qui se pose est : comment qualifier ainsi le témoignage véridique de quelqu’un qui a simplement vécu selon ses valeurs publiquement, mais sans les imposer à personne ? Comment rabaisser à ce niveau ce que personne d’autre n’a fait pendant la Deuxième Guerre mondiale ? Le comité qui détient les droits sur l’histoire de Doss a exigé que Mel Gibson respecte l’histoire du livre. Histoire attestée par Doss lui-même, décoré de la plus grande médaille de bravoure américaine, et par ses camarades d’armes. Comment tout simplement classifier la vérité de bedeau et moraliste ?
Doss devrait-il se venger de son père alcoolique, de ses camarades, tuer des centaines de combattants ennemis, laisser les soldats de son armée mourir sous ses yeux, pour être qualifié de « bien » ?
Cela pose la question inquiétante de l’état des valeurs de la société dans laquelle nous vivons. Certains n’inversent-ils pas le bon et le mauvais ? Certains ne défendent-ils pas le mauvais comme acceptable ?
Ce que mesdames Evard et Bouchet oublient c’est que de toute l’histoire de l’humanité, ce sont des héros comme Doss qui ont libéré les pays de la suprématie totalitaire. Si les deux chroniqueuses peuvent aujourd’hui être sur un plateau pour faire la critique des films toutes les semaines, c’est que cette liberté leur a été « accordée » par des gens comme Doss, qui ont donné de leur propre vie pour cela. Alors résumer la foi et l’engagement de ces gens à quelque chose d’affreux cela revient tout simplement mépriser ceux qui nous ont aidés. C’est injuste et ingrat.
Pour finir, avant d’avancer des arguments à propos d’une éventuelle publicité cachée pour l’église adventiste derrière ce film, rappelons que Mel Gibson ne s’est jamais déclaré adventiste du 7ème jour et d’autre part, l’église adventiste n’a pas du tout été consultée sur ce projet et découvre ce film en même temps que le public lors de sa sortie dans les salles de cinéma. Les adventistes n’ont pas proposé, ni financé, ni soutenu sa production. Comme nous le savons tous, ce genre de film est fait pour faire de l’argent et donner la gloire aux acteurs. Mais cette fois-ci, il s’agit d’une œuvre qui présente des valeurs qui manquent grandement à notre société. Non pas des valeurs uniquement adventistes ou religieuses, des valeurs communes à tout être humain en recherche d’un monde de paix, d’un monde meilleur que celui qui nous entoure actuellement. Il nous semble donc plus judicieux de les respecter et les valoriser.
En conclusion, mesdames Evard et Bouchet, les adventistes ne vous tiennent pas rigueur de vos déclarations maladroites. Vous serez, il est certain, très bienvenues dans l’une de nos communautés en Suisse et nous vous souhaitons que les valeurs de l’amour, du pardon, du partage, du courage et de la bravoure puissent être des sentiments dominant dans votre vie, à l’instar de Desmond Doss.
Département de communications de la Fédération des Églises Adventistes du Septième Jour de la Suisse Romande et du Tessin.
Adventist Teen
2 février 2017 - 23:44Ce qui est marrant dans cette histoire c’est qu’elles mêmes ont fait la pub à l’église adventiste:):) Le filme ne fait aucune pub (sauf à un moment précis où il se déclare adventiste), mais à part cela on pourrait voir en lui n’importe quel chrétien sûr de ses croyances et fidèle à sa foi. Les extremistes sont vues comme des gens dangereux, et de nos jours, au point de tuer… alors le protagoniste est loin d’être dangereux:):) et on préfère rendre honneur à des gens qui ont tué beaucoup d’ennemis qu’à ceux qui montrent qu’il est possible de défendre la non-violence même sous le feu de l’ennemi… quel exemple!
Reto Lavi
3 février 2017 - 18:26Il me semble qu’un chrétien sûr de ses croyances ne s’offusquerai pas tant d’une critique de moins de deux minutes d’une oeuvre dont son église n’est pas responsable. Chacun à le droit de ses opinions! Lorsque je visionne cette critique, je vois avant tout la critique d’un film (“mal joué, mal dirigé, …”) bien plutôt qu’une critique des valeurs d’une église ou même du personnage historique Desmond Doss. Et même si l’Eglise adventiste n’est pas à l’origine de ce film, il faut bien constater qu’elle a cherché à en tirer profit, à faire de la publicité avec. Il n’y a qu’à aller sur le site desmonddoss.ch ou encore lire les 5 précédents articles de ce magazine consacré à ce film pour s’en rendre compte.
Ce qui m’inquiète par contre en tant qu’adventiste, c’est de voir notre département de la communication surréagir de la sorte. L’intérêt de l’Eglise et certainement bien plutôt de soigner de bonnes relations avec la presse que de revendiquer un droit de réponse aussi maladroit révélant l’amateurisme de ses auteurs.
Tof
3 février 2017 - 22:25J’ai personnellement apprécié ce film même si certains reprochent à Mel Gibson d’avoir réalisé une grosse production à 40 millions de dollars trop violente et réaliste. La critique des deux chroniqueuses de la RTS leurs appartiennent même si je trouve leurs propos particulièrement peu nuancés. Auraient-elles un problème avec la foi chrétienne? Le terme bigot est mentionné pour la critique du deuxième film Manchester by the Sea puis pour le film Tu ne tueras point…
Leur critique aurait-elle été autant acerbe si un film avait abordé la non violence “christique” de Martin Luther King ou de Nelson Mandela?
Desmond Doss a été un héro non violent et ce film lui rend un magnifique hommage alors que lui même est toujours resté humble. Si comme la critique le termine “c’est un film de
Bien d’autres critiques du film “Tu ne tueras point” sont disponibles: http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=208104.html
La moyenne de 24 médias est de 3/5 et celle des spectateurs 4.6/5. Ce film est nominé pour 6 oscars pour un total de 16 nominations pour les différents festivals de cinéma.
En résumé, pour vous en faire une idée personnelle: Allez voir ce film.
Je trouve très étonnant que le film sorte au cinéma en Suisse seulement maintenant. Il est sorti en France le 9 novembre 2016 et sera disponible en DVD à partir du 9 mars 2017…