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Des scalaires précieuses

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Aujourd’hui, sur l’île caribéenne de Porto Rico, il fait chaud en ce jour de sabbat. Ce matin, nous sommes allés à l’église et avons mangé les sandwichs au beurre d’arachides et à la gelée que Maman a préparés pour le voyage. Oh, ce n’est pas un long voyage, non ; ça prend un peu plus d’une heure au nord de chez nous à l’Hôpital Bella Vista, sur la colline surplombant la ville de Mayaguez. Maintenant, nous vivons le rêve préféré de Maman pour un sabbat après-midi. Nous sommes à la recherche de précieuses scalaires dans les flaques de marée, près d’Isabela, un village de pêcheurs.

Maman aime beaucoup cet endroit. Tout y est spécial pour elle : les longues rangées de cocotiers qui bordent la plage ; les criques sablonneuses cachées où le sable est souvent recouvert de coquillages rejetés par la tempête ; les hautes falaises noires qui se dressent majestueusement contre l’océan. C’est un endroit magique !

Ce qu’elle préfère surtout, ce sont ces lits de roches volcaniques effilées qui font saillie dans le ressac. C’est là qu’on peut trouver de précieuses scalaires. Elle les appelle Epitonium scalare, en référence à leur nom latin. « Les scalaires – de la taille d’une grosse cacahuète – sont rares, délicates, exquises, d’un blanc cristal, et valent cher. »

Maman est une collectionneuse professionnelle de coquillages. Elle aime les coquillages comme un professeur aime les livres. Elle ne garde que les plus beaux spécimens. Chacun de ses trésors est catalogué – elle tape son nom latin en caractères gras, et son nom commun en lettres minuscules. 

Ses Epitonium scalare sont conservées dans une boîte en plastique spéciale, à côté de sa machine à coudre. Ce sont ses coquillages préférés.

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Comme Papa a des responsabilités dont il doit s’acquitter le sabbat après-midi, Maman nous emmène, mon frère Jack, l’infirmière Jeannie, et moi. Nous conduisons notre vieux break sur la route asphaltée jusqu’à Isabela, puis sur le sentier poussiéreux qui traverse la plantation de cocotiers jusqu’au sentier de la plage.

« Soyez prudents, nous prévient-elle. La marée est basse, et les roches volcaniques sont plus tranchantes que des couteaux. Gardez vos baskets et surveillez bien les vagues ! »

Maman nous met toujours en garde contre quelque chose, mais on sait que lorsqu’il s’agit des roches et des vagues, elle a raison.

Les précieuses scalaires se trouvent dans les étagères rocheuses qui s’avancent dans l’eau à la base des falaises. De loin, les flaques de marée ressemblent à des miroirs plats et calmes situés juste au-dessus de l’océan. Mais quand on y arrive, on a l’impression de marcher sur la surface de la lune ! Des siècles de vagues océaniques ont usé la roche plus tendre, laissant un million de poches d’eau entourées de « couteaux » volcaniques.

Les scalaires vivent dans les poches des roches volcaniques. On les voit en général dans les profondeurs de l’eau, attaquant tantôt des anémones de mer, tantôt des petits coquillages, bref, tout ce qui peut être comestible pour un mollusque rare, délicat et exquis. Nous sommes déjà venus ici auparavant et n’en sommes revenus qu’avec des pieds éraflés et quelques noix de coco. Aujourd’hui, nous espérons faire mieux.

C’est la première fois que l’infirmière Jeannie vient à Isabela. Enthousiaste, elle reste près de Maman, regarde les vagues, scrute chaque flaque de marée remplie d’eau, impatiente de trouver une scalaire pour sa collection.

De temps en temps, Maman lève les yeux et nous avertit, Jack et moi, puis elle se penche pour scruter une autre flaque argentée.

« Attention aux vagues, les gars ! » « Faites attention de ne pas trébucher sur les roches. Vous pourriez vous couper ! » « La marée va monter. Attention aux vagues ! »

Mais nous on rigole et on l’ignore, bien décidés à trouver une scalaire avant elle.

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Les vagues sont hautes, du moins certaines d’entre d’elles. Elles s’élèvent des profondeurs de la mer pour déferler sur les roches volcaniques, rafraîchissant les milliers de petites flaques de marée.

Jack trouve le premier coquillage – une petite scalaire coincée entre une étoile de mer et une anémone. Puis, c’est au tour de Maman d’en trouver une – plus grosse, parfaite, et d’un blanc éclatant. Elle s’extasie et tombe presque en brandissant bien haut son trésor et en nous criant victoire.

Nous sommes maintenant éparpillés à travers les flaques de marée, têtes baissées, oubliant les vagues tellement nous nous concentrons sur les scalaires. 

C’est à ce moment-là que la grosse vague frappe. Une « vague dormante » comme certains les appellent. Des monstres élastiques qui naissent au fond des fosses de l’Atlantique, qui enflent sans se briser jusqu’à ce qu’ils vous surplombent. Ces vagues dormantes sont, on dirait, presque vivantes. Sur le point de vous arracher à la chasse aux scalaires.

La grosse vague attrape l’infirmière Jeannie. Ça se passe là, sous nos yeux. C’est que Jeannie s’est éloignée de Maman vers le bord des flaques de marée, oubliant complètement de surveiller les vagues. Elle a levé les yeux juste à temps pour voir venir la grosse vague. Elle crie, lance son panier de coquillages en l’air, puis disparaît dans la vague, emportée par la mer.

Jeannie tente de nager, mais la vague s’en moque bien.

Horrifiée, Maman hurle : « Les gars, venez ! Priez ! Dépêchez-vous ! » Jack et moi accourons le plus vite possible. On sprinte vers Maman et on remonte la colline jusqu’à la voiture. On regarde en arrière vers l’océan, on surveille l’infirmière Jeannie qui s’efforce de nager.

« Vite ! dit Maman. Montez dans la voiture. On s’en va à Isabela. Priez pour qu’on trouve un pêcheur qui puisse aller chercher Jeannie immédiatement. S’il te plaît, Seigneur, garde Jeannie, protège-la, je t’en prie, je t’en prie ! »

Je n’ai encore jamais vu Maman conduire aussi vite.

Malheureusement, il n’y a pas de pêcheurs au quai de pêche d’Isabela. Mais au cri de Maman, plusieurs hommes accourent d’un bar de la plage, se précipitent vers leurs bateaux et organisent une flottille de sauvetage. L’un des pêcheurs nous fait signe de monter dans son bateau, et nous lui demandons d’aller à la recherche de Jeannie, où qu’elle soit. 

Lorsque notre bateau entre en pleine mer, nous rencontrons un autre bateau. En nous voyant, le pilote fait retentir sa corne de brume et nous fait signe de la main.

Là, assise sur un banc à côté du pêcheur, se trouve Jeannie ! Elle est enveloppée de plusieurs couvertures et agite frénétiquement les mains. Jeannie est en vie ! Saine et sauve !

« Dieu a répondu à nos prières ! » crie Jeannie au-dessus du bruit de corne de brume, lequel devient rapidement un cri de victoire.

Jeannie a tellement froid que ses dents claquent pendant tout le voyage de retour. Jack et moi l’écoutons encore et encore raconter son histoire.

« J’ai prié, qu’est-ce que j’ai prié ! s’écrie-t-elle. Alors que j’étais en train de couler, de me noyer, j’ai prié comme jamais je n’avais prié auparavant ! Là, au milieu des vagues, Dieu m’a entendue et m’a ramenée à la maison ! » 

 

De Dick Duerksen, pasteur et conteur.
Source : Adventist World, Juin 2021

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