Dans un salon de coiffure de Lightning Ridge — une petite ville située dans le nord de l’outback australien — un homme maquillé, revêtu d’un déguisement de clown, entre et s’affale dans le premier fauteuil disponible. Les clients le regardent, surpris. « Je viens pour une permanente ! » lance le clown en faisant virevolter ses boucles aux couleurs de l’arc-en-ciel.
Des rires fusent à cette blague, alors que les clients — des habitants de longue date de cette collectivité minière où l’on extrait des opales noires — reconnaissent en n le bouffon. « Eh bien, StormCo est de retour ! » s’exclame l’un d’eux. Tous s’empressent de souhaiter la bienvenue à Crunchy le clown — ou Chrys Martin, chef d’équipe de StormCo et membre de l’Église adventiste Memorial d’Avondale, située à Cooranbong, en Nouvelle-Galles du Sud. Un accueil aussi chaleureux touche le cœur du clown sympathique.
« Nous avons forgé des liens avec tellement de gens de cette ville que chaque année, ils attendent notre retour, dit Chrys. Ils veulent que nous revenions. StormCo a pour mission de servir les habitants de cette petite ville et d’impliquer les jeunes adventistes dans cette aventure. »
Qu’est-ce que StormCo ?
StormCo – « Service to Others Really Matters » Company (La compagnie « Le service envers les autres compte vraiment ») – est un concept missionnaire qui a vu le jour en Australie. Tout a commencé lorsque Jerry Unser, ancien aumônier universitaire de la Fédération du sud de Queensland, a organisé un voyage missionnaire outre-mer pour les étudiants. Mais à la dernière minute, ses plans ont échoué. Que faire alors pour ces jeunes qui « avaient soif d’aventure » et voulaient participer à un projet missionnaire ? Ne se tenant pas pour battu, il a contacté les pasteurs de la région. Finalement, il en a trouvé un qui les a invités à faire quelque chose d’utile pour les habitants de Lightning Ridge. Pendant leur séjour, ils pourraient loger à l’église.
« Nous avons ni par visiter des écoles, donner des cours de cuisine, faire la tournée des églises locales, et fraterniser avec des aborigènes de la collectivité, poursuit Jerry Unser. Une fois rentrés chez nous, nous étions impatients de revivre une telle expérience ! »
Vingt ans plus tard, le programme a toujours le vent en poupe. Chaque année, des églises, des écoles et des fédérations adventistes de chaque État de l’Australie et des deux îles de la Nouvelle-Zélande envoient des équipes de StormCo dans des voyages missionnaires d’une durée de sept à 10 jours. Certaines fédérations ne disposent que d’une seule équipe, mais d’autres, de 20 ou plus. Chacune d’elle se compose en général de 15 à 20 jeunes. Et nombre d’entre eux répètent l’expérience, année après année. Ce concept missionnaire a également traversé les océans pour s’implanter au Canada, en Europe, et en Roumanie.
« Le nom change parfois selon la culture, précise Jerry, lequel est maintenant à la retraite. En Roumanie, on l’appelle TinSerV [« Vous servez »]. On m’a dit que dans une seule année, on a envoyé jusqu’à 50 équipes. »
Selon Jerry Unser, StormCo n’est pas, proprement dit, un programme, une organisation, une forme d’évangélisation, un événement. Il s’agit plutôt d’un « mélange unique d’aventure et de service à la communauté qui est devenu, avec le temps, un mouvement largement répandu ».
« Mel Lemke, notre directeur de jeunesse de la fédération, ainsi que David Jack, directeur des Ministères personnels et d’ADRA, ont tous deux saisi la vision de StormCo, explique Jerry. Ensemble, nous avons organisé des voyages supplémentaires dans un plus grand nombre de collectivités à l’extérieur de Brisbane. Avant longtemps, certains des jeunes impliqués ont déménagé ; cependant, ils ont apporté le concept avec eux. StormCo était — et est toujours — un mouvement de la base. Bien que nous ayons rédigé des manuels de formation, il n’existe aucune organisation officielle de StormCo, si ce n’est celle des églises locales, des écoles et des fédérations envoyant leurs propres équipes. »
En l’an 2000, Jerry a rédigé le Manuel de StormCo pour mettre en valeur les fondements et les principes de cette initiative. Gilbert Cangy, à cette époque directeur du Ministère de la Jeunesse de la Division Paci que Sud, et actuellement directeur du Département de la jeunesse de la Conférence générale, a collaboré à la rédaction de ce manuel. Toutefois, les deux hommes étaient loin de se douter que des années plus tard, des équipes continueraient d’établir des relations avec les collectivités.
« En Australie, StormCo est devenue une partie intégrale du Ministère de la Jeunesse, explique Gilbert Cangy. C’est un bel exemple de ce qu’Ellen White suggère quand elle se réfère à la méthode du Christ — la seule qui réussisse. Et tandis que nous nous tournons vers l’avenir, il faudra nous assurer qu’“en forgeant des liens avec la collectivité”, nos jeunes en arrivent à l’intention tangible d’étendre le royaume de Dieu. »
StormCo et le financement
La plupart des fédérations locales soutiennent StormCo en lui fournissant une subvention de 1 000 $ par voyage, et en couvrant les frais d’assurance. Des levées de fonds dans les églises locales complètent la subvention. En outre, chaque membre de l’équipe doit assumer une partie des frais. Des dons de nourriture et d’autres fournitures de la part des membres d’église jouent aussi un rôle important dans le maintien à flot des finances.
Un concept simple, mais efficace
StormCo se fonde sur un double principe. Premièrement, il vise à établir et à cultiver des relations de confiance avec les habitants de la collectivité. Par conséquent, les équipes retournent, année après année, dans la même localité. Deuxièmement, ces équipes partent sans ordre du jour. Au lieu de se présenter en ville avec un programme prédéterminé, elles s’enquièrent auprès des dirigeants municipaux de leurs besoins et de quelle façon ils désirent que StormCo s’implique dans la collectivité. Dans certains endroits tels que Lightning Ridge — laquelle est située à environ 740 kilomètres au sud-ouest de Brisbane — les jeunes ont lancé un club pour les enfants. Pour encourager ces derniers à y participer, Chrys Martin et quelques membres de son équipe s’habillent en clowns et déambulent tous les matins dans la ville.
« Nous saluons les commis de l’épicerie, le boulanger, et tous les clients que nous croisons en chemin, dit Chrys. Quand nous voyons des enfants, nous leur donnons un prospectus et les invitons à venir au club des enfants. La plupart des marchands savent qui nous sommes et ce que nous faisons. Ils font du bouche-à-oreille pour nous. Certains affichent même des posters. »
Les enfants qui viennent au club — jusqu’à 50 parfois, même dans une localité aussi petite – apprennent des chansons, regardent des spectacles de marionnettes, participent à des sketches bibliques, font du bricolage, et jouent ensemble. Toutes les activités du club se fondent sur le christianisme.
« Quand je constate l’environnement difficile dans lequel évoluent ces enfants et la rudesse qui caractérise leurs jeux, je me sens d’abord mal à l’aise, dit Kayla Sleight de Cooranbong, laquelle a participé à cinq voyages StormCo. Mais dès qu’on se met à leur donner de l’amour, à avoir du plaisir avec eux, on commence à voir des changements de comportement. C’est vraiment génial ! »
Joshua Page, un étudiant de l’Institut d’enseignement supérieur d’Avondale, dit qu’il se rend à Lightning Ridge depuis six ans déjà. « Si je m’implique, c’est à cause des expériences valorisantes, des liens avec l’équipe, de la capacité de servir et de satisfaire les besoins évidents dans ces endroits, explique-t-il. Tout ça me donne envie de revenir. »
Chaque matin, les membres de StormCo vont aussi prêter main-forte aux responsables de la station de radio locale. Ils assurent le fonctionnement de l’équipement, lisent les annonces, présentent les nouvelles, et font jouer de la musique chrétienne.
« C’est vraiment sympa ! » lance Nelson Eddy, lequel vient d’Euroa, dans l’État de Victoria (anciennement de Cooranbong). Nelson fait partie de l’équipe de StormCo à Lightning Ridge depuis sept ans déjà. Son rôle consiste à diriger les jeunes qui produisent des émissions de radio matinales tout le long de leur séjour.
« À l’instar de nombreux ministères, nous ne voyons pas toujours le fruit de nos efforts parce que nous ne venons
ici qu’une fois par année. Cependant, beaucoup de gens se souviennent de nous, particulièrement les enfants. Nous avons forgé des liens avec les gens d’ici. »
En outre, Nelson a remarqué combien sa perception des autres et de la mission a changé.
« Quand on quitte sa zone de confort et qu’on vient ici, on gagne une perspective très différente du monde », dit-il.
Bevan et Ann Brown, gérants de la station de radio, se disent heureux du retour annuel des jeunes de StormCo.
« Ces jeunes s’expriment toujours correctement, et nos auditeurs réagissent bien. Il nous est arrivé à deux reprises d’avoir des problèmes d’informatique. C’est Nelson qui nous a tirés d’affaire. Nous serions heureux d’utiliser ses services plus souvent ! Les jeunes de StormCo constituent vraiment un plus pour la station. »
L’après-midi, les membres de l’équipe retroussent leurs manches pour aider la collectivité dans divers travaux tels que désherber, couper du bois, peindre des planchers, des murs, des gradins, réparer des maisons de vétérans, nettoyer des cours d’église, et réparer des bâtiments.
« Une fois, nous avons remplacé à nos frais un réservoir à eau percé à l’Église catholique », raconte Chrys Martin. Avec StormCo, il n’y a pas de barrières, pas de murs. Nous sommes là pour servir nos semblables. »
Et les habitants de la collectivité le remarquent. Beulah James, membre de l’église adventiste de Lightning Ridge, dit qu’elle entend fréquemment des gens faire l’éloge du travail et de la consécration de l’équipe.
Beulah James : « Voici ce qu’une mère m’a dit : “Chaque année, mes deux filles ne ratent pas le Club des enfants. Si vous voyiez leur enthousiasme chaque fois qu’elles y vont !” Cette femme elle-même n’arrive pas à contenir sa joie, parce que ses filles ont découvert Jésus et chantent des chants qui parlent de lui. Pour elle, c’est un vrai bonheur d’entendre ces chants à la maison.
« StormCo jouit d’une excellente réputation ici », ajoute-t-elle.
Servir en des endroits difficiles
À quelque 385 kilomètres à l’est de Lightning Ridge se trouve Toomelah, une localité comptant 300 aborigènes. Depuis 14 ans, Trudy et Jeff Chilcott, dirigeants de StormCo, et leur équipe y consacrent une semaine de leur temps par année. On remarque des améliorations substantielles dans la santé et le bien-être des aborigènes australiens. Toutefois, la vie dans les collectivités aborigènes constitue toujours un combat. Et Toomelah n’y fait pas exception. On y trouve des taux plus élevés d’handicaps, de maladies chroniques, d’hospitalisation, d’agression, de suicide, et une espérance de vie plus faible que chez les allogènes*. Les tentatives du gouvernement et d’autres organisations pour changer le style de vie des habitants de Toomelah se sont généralement heurtées au scepticisme et à la résistance. Mais pour StormCo, c’est différent.
« Les aborigènes nous considèrent comme des membres de la famille. Ils nous protègent et nous respectent — et nous les aimons », dit Trudy.
À Toomelah, l’équipe de StormCo composée de quelque 20 étudiants académiques et universitaires vise tout spécialement les enfants, les jeunes, et les jeunes mères. Ces étudiants dirigent le Club des enfants le matin, et l’après-midi, ils emmènent les enfants à la pêche, ramasser du bois, etc. Ils parlent d’hygiène et de nutrition avec des jeunes mères, font de l’artisanat, et discutent des divers moyens de surmonter leurs problèmes personnels.
« J’encourage ces jeunes femmes à s’estimer à leur juste valeur, dit Trudy. Je leur explique que si elles ne s’estiment pas, les autres ne les estimeront pas non plus. Nous parlons de sujets aussi simples que ça. »
Le soir, les membres de l’équipe organisent des rencontres pour les 13 ans et plus dans la salle communautaire.
« En gros, nous jouons à des jeux classiques pour permettre à tous de se connaître, explique Jeff. Et le vendredi soir, nous faisons un feu de joie. Des jeunes donnent leur témoignage (nous leur avons demandé à l’avance). C’est une expérience très puissante pour un jeune que de témoigner à ses pairs de ce que Dieu a fait pour lui. »
Les jeunes de StormCo ne sont pas là pour changer la culture ou les gens, mais pour construire des relations qui soient source d’espoir et de direction.
« Nous sommes témoins de petits changements, et nous en sommes reconnaissants, dit Trudy. À notre arrivée, les jeunes mères nous montrent leurs petits bébés tout propres et chaudement emmaillotés. Il est clair qu’elles prennent mieux soin de leurs enfants. On note aussi de l’amélioration au chapitre de la nutrition. » Trudy a demandé à une vieille dame si elle avait remarqué des changements. « Ma question l’a étonnée au plus haut point parce que pour elle, il est clair que ce que nous faisons avec les jeunes transforme leur vie ! »
Adam Baily est de Melbourne. Il s’est joint à l’équipe de StormCo à Toomelah depuis 2008. Si StormCo connaît un impact positif sur les enfants, il n’hésite pas à dire que cette expérience l’a fait personnellement grandir.
« On arrive en pensant — ça frise l’arrogance — qu’on va changer leur monde. Mais avant longtemps, on se rend compte que ce sont eux qui nous en apprennent le plus, qui nous manifestent le plus grand amour. Nous, nous ne faisons que leur montrer qu’ils sont importants, et que nous nous intéressons à eux. »
En 2005, Stefanie Gaassen a fait son premier voyage StormCo à Toomelah. Elle a été immédiatement attirée par les jeunes enfants et a contribué à l’organisation du Club des enfants. Ensuite, elle a pris en charge les soirées pour les jeunes.
« J’ai vu des enfants entrer dans l’adolescence. Aujourd’hui, certains d’entre eux ont des enfants ! D’autres encore sont aux études. Je les encourage à persévérer et à faire quelque chose de positif de leur vie. »
Stefanie est mariée maintenant. Son mari, Paul, est aussi un membre de l’équipe. Paul n’était pas adventiste quand il a commencé à fréquenter Stefanie et a participé à son premier voyage StormCo. Il dit que cette expérience missionnaire l’a amené à accepter Jésus et à se faire baptiser.
« Auparavant, je ne faisais pas ce genre de choses. Ça a été une expérience nouvelle et enrichissante, observe-t-il. J’aime beaucoup aider les autres et voir les bienfaits qui en découlent. Et j’ai plaisir à découvrir de plus en plus la culture aborigène. »
Stefanie et Paul poursuivent une formation d’enseignants à l’Institut d’enseignement supérieur d’Avondale. Jeff Chilcott reconnaît qu’à Toomelah, le secret du succès de StormCo réside dans son approche envers la collectivité. Le fait de rencontrer les dirigeants municipaux pour s’enquérir de leurs besoins et découvrir le type d’aide désiré a complètement renversé la vapeur, souligne-t-il. « C’est cette approche qui fait le génie de StormCo. Si vous saviez combien de gens se présentent pour leur dire ce dont ils ont besoin ! Nous, nous n’avons aucun ordre du jour, aucune attente. Notre mission passe par l’établissement de relations. »
Le feu sacré du service
Tout en établissant des relations avec les habitants des collectivités, les jeunes de StormCo renouvellent leur relation avec Dieu et forgent des liens solides les uns avec les autres. Jeff Parker, directeur du Ministère de la Jeunesse de la Fédération du nord de la Nouvelle-Galles-du-Sud, affirme que des vies ont été transformées grâce à ce programme. Un jeune étudiant a dit que sa participation à un voyage StormCo « a réellement écrit une nouvelle page de sa vie ».
Jeff Parker : « Ce jeune a dit : “Si c’est ça le christianisme, alors je veux en faire partie”. Il ne venait pas d’un foyer chrétien. Aujourd’hui, il est professeur dans l’une de nos écoles adventistes. Et son histoire n’est pas un cas isolé. »
Les Chilcott soulignent aussi l’impact positif de StormCo sur les membres de l’équipe.
« StormCo enseigne à nos jeunes à être des dirigeants solides, à prendre des décisions pour Dieu, à s’arrêter davantage aux autres, et à être plus conscients des dons et des capacités qu’ils ont reçus de Dieu, commente Trudy. Tandis qu’ils ramènent cette expérience chez eux, ils s’impliquent dans des rôles de leadership au sein de leurs églises. Cette expérience les guide aussi dans leurs choix de carrière. Je connais une jeune femme qui est devenue pasteur grâce à StormCo. » Jeff ajoute : « En aidant les autres, les jeunes se détachent de leur personne pour se concentrer sur leurs semblables. » Et Chrys insiste : « Cela sauve nos enfants pour l’éternité. »
« Tant de jeunes s’éloignent de Dieu et de l’Église ! pour — suit-il. Mais StormCo allume dans leur cœur le feu sacré du service. Ils se mettent à s’impliquer au sein de leurs églises. Ils sont animés d’une nouvelle passion : Jésus et leur religion. Ils ne craignent pas de se lever et de s’exprimer. StormCo est, à mon avis, un don de Dieu. »
Tous n’ont pas reçu le don de la prédication, admet-il. Mais ils peuvent certainement aider les autres, oui, ils peuvent « sortir et vivre leur christianisme dans la collectivité. Et quand les gens leur posent des questions, ils ont alors l’occasion de parler de Jésus. […]
« StormCo, c’est vivre le Christ dans une collectivité, conclut Chrys. C’est à ça que se résume le christianisme. »
Pour en découvrir davantage sur
, écrivez à l’adresse suivante : jerry@unser.com.au, ou stormCo@exemail.com.au
* www.aihw.gov.au/WorkArea/DownloadAsset.aspx?id=60129543818.
Sandra Blackmer est rédactrice adjointe de Adventist World.
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