Le carburant de l’amitié ou comment garder les nouveaux croyants dans notre Église

Par Adventiste Magazine

Objectif ? Dix ! Lorsqu’on m’a demandé de me joindre à l’équipe d’un évangéliste bien connu pour ma toute première campagne d’évangélisation, ça faisait un an que j’étais devenue adventiste. Ma prière était simple : qu’au moins 10 personnes de la communauté – que j’avais personnellement invitées – assistent à la campagne.
Deux mois à l’avance, nous avons commencé à frapper aux portes et à inviter les gens. Au moment où la campagne a commencé, j’étudiais la Bible avec plus de 13 personnes et j’assurais le suivi auprès de plus de 30 autres. J’avais le sentiment que jusqu’ici, tout allait comme sur des roulettes.
À la première réunion, 12 personnes de celles que j’avais personnellement invitées ont franchi les portes de la salle. J’étais aux anges ! La campagne d’une durée d’un mois a été puissante. J’avais la certitude que Dieu était en train de faire quelque chose d’absolument extraordinaire.
À la fin de la campagne, plusieurs participants ont été baptisés. Après le départ de l’évangéliste, nous avons mis en place un plan de suivi. Ce plan comprenait des études bibliques hebdomadaires en continu et une nouvelle classe de l’École du
sabbat pour les néophytes. Résultats ? Aussi triste que cela puisse paraître, six mois plus tard, mes 12 invités se sont discrètement éloignés ; et au bout d’un an, il n’est resté aucun des participants baptisés au sein de l’Église.

Mais qu’est-ce qui a donc mal tourné ? Un petit air de déjà vu, n’est-ce pas ? Je n’arrivais pas à comprendre. Je me sentais
vaincue, et pour cause : la prédication était puissante, le message, solide, sans compter les 20 000 dollars qu’on avait investis dans la campagne. Pourtant, le résultat a été dévastateur.
Il ne s’agit pas de discréditer la méthode des campagnes d’évangélisation – ces campagnes ont leur place et leur objectif – mais quelque chose d’essentiel a manqué. Quelque chose a terriblement mal tourné.

Admettons que ce genre de choses n’arrive que trop souvent. Les gens viennent, on les baptise, et en l’espace d’un an, on ne les voit plus…
Dans leur livre What Every Pastor Should Know [Ce que tout pasteur devrait savoir], Gary McIntosh et Charles Arn soulignent deux statistiques pour le moins frappantes :

  1. 82 % des nouveaux membres d’église partent au cours de la première année.
  2. La plupart d’entre eux partent au bout de six ou de douze mois1.

En termes simples, si un nouveau membre franchit le cap des six mois, il reste en général pendant un an. Ensuite, consciemment ou inconsciemment, il réévalue au bout d’un an s’il va rester dans sa congrégation actuelle. S’il passe le cap de la première année, alors, le plus souvent, c’est gagné pour longtemps.
Voici la question n° 1 que ces nouveaux membres se posent après six et douze mois : « Est-ce que je me suis fait des amis dans cette Église ? » La réponse à cette question détermine en grande partie s’ils vont rester ou non. L’étude a aussi révélé que les nouveaux membres qui forgent environ sept amitiés au cours des six premiers mois sont beaucoup plus susceptibles de rester dans l’Église, et que souvent, ceux qui en forgent moins de deux la quittent2.

Monte Sahlin, un chercheur adventiste, a fait écho à cette réalité : « Trois [membres d’église] sur quatre quittent l’Église pour des raisons liées à leurs relations avec les autres […] tandis que moins d’un sur cinq la quitte parce qu’il ne croit plus en certains enseignements de l’Église3. »
Le problème n’est donc pas une prédication médiocre ou une doctrine floue, mais bien un manque d’amitié et de communauté authentiques. C’était donc ça la pièce manquante dans ma première expérience d’évangélisation ! Le message des trois anges prêché lors de cette campagne était puissant – il est puissant. Cependant, la communauté relationnelle nécessaire pour soutenir les nouveaux croyants n’était tout simplement pas là. Autrement dit, aucune amitié véritable ne s’était forgée. Dans l’Église où ils avaient trouvé la vérité, il n’y avait pas de communauté.

UN NOUVEAU DÉPART

Trois ans plus tard, en tant que responsable d’établissement de groupe, j’ai contribué au lancement d’un nouveau groupe aux côtés d’une équipe. Le souvenir de cette première campagne d’évangélisation me pesant lourdement, j’étais bien décidée à faire les choses différemment. Nous nous sommes mis au travail avec détermination. Nous avons prié et travaillé. Nous avons travaillé et prié. Mais cette fois, qu’allions-nous faire de différent ?
Ce que Dieu nous a mis à cœur était tiré directement d’Actes 2 : « Ils persévéraient chaque jour d’un commun accord dans le temple, ils rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur, louant Dieu et trouvant grâce auprès de tout le peuple. Et le Seigneur ajoutait chaque jour à l’Église ceux qui étaient sauvés. » (v. 46, 47)
Il semble que l’Église primitive ait grandi selon une sorte de séquence, puis ait répété le processus jusqu’à ce que l’Évangile soit répandu dans le monde :

  1. Le Saint-Esprit a été répandu (Ac 2.1-13).
  2. La Parole a été prêchée (v. 14-36).
  3. Les gens ont répondu par la repentance et le baptême (v. 37-41).
  4. Les disciples ont formé une communauté focalisée sur Christ (v. 42-47).
  5. L’Église a connu une croissance quotidienne (v. 47).

Nous avons vu l’Esprit se répandre. Nous avons vu la Parole être fidèlement prêchée. Nous avons vu des baptêmes. Cependant, ce qui est souvent négligé, c’est la quatrième étape : une communauté de croyants authentique. Il ne s’agit pas seulement d’une communion fraternelle le sabbat matin. Il ne s’agit pas seulement d’une poignée de main à la porte. Ce dont on parle ici, c’est d’une communauté réelle, cohérente et bienveillante – intégrée dans la vie quotidienne. Cela exige du temps, des sacrifices, et un ajustement considérable de notre vie quotidienne.
L’Église n’a jamais été censée être quelque chose que nous « intégrons » dans notre emploi du temps. Elle est le fondement même sur lequel nous devons construire tout le reste. C’est ainsi que nous devons prendre au sérieux le mandat évangélique (Mt 28.18-20) et la propagation de l’Évangile éternel. Mais sans la création de véritables amitiés par le biais du discipulat et de la communauté, le cycle se brise – et la croissance stagne. Supprimons la quatrième étape de la séquence ci-dessus et, logiquement, nous assisterons à une stagnation de la croissance au palier de l’église locale.

LA PUISSANCE DE L’AMITIÉ

Les sociologues ont découvert qu’il faut environ 50 heures pour passer de l’étape de simple connaissance à celle d’« ami occasionnel », et plus de 200 heures pour devenir « des amis proches »4.
Le Centre de recherche Pew a récemment mené une étude, laquelle révèle qu’« un tiers des adultes américains disent qu’ils assistent à des services religieux en personne au moins une fois par mois, incluant 25 % qui disent y aller au moins une fois par semaine5. C’est dire que, en se montrant généreux, si le service religieux moyen dure entre une heure et demie et deux heures, y assister chaque semaine représente environ huit heures par mois. À ce rythme-là, il faudrait plus de deux ans pour développer une seule amitié solide !
Cela donne au moins une explication majeure et solide quant à la raison pour laquelle tant d’églises
stagnent, où même déclinent en matière de croissance.
Comme l’a dit un théologien : « L’un des tristes aspects de la vie moderne […] est que nous avons tendance à considérer l’église comme un événement ponctuel chaque semaine, plutôt que comme une réalité qui s’étend sur toute la semaine et toute la vie. Si nous sommes en Christ, nous sommes membres de son corps 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par année6. »

HISTOIRES DE COMMUNAUTÉ

Lorsque notre groupe a été lancé, nous avons décidé de nous concentrer sur la séquence des Actes que nous avions observée. Au lieu de pousser les gens à se faire baptiser, nous avons donné la priorité aux petits groupes et à l’amitié. Ce changement n’a pas été facile, je peux en témoigner. Mais nous avons d’abord construit une communauté, et les baptêmes ont suivi naturellement – certains après six mois, d’autres après trois ans, et d’autres sont encore en cheminement à ce jour. Mais qu’ils soient baptisés ou non, ils restent nos amis, car nous avons décidé que nous devions nous engager sur le long terme.
Jésus a dit : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » (Jn 15.13) Jésus est notre plus grand exemple de ce à quoi ressemble une véritable amitié. Il l’a incarnée par le sacrifice, l’engagement sincère et l’amour, et cela est devenu la marque distinctive du groupe.

VOICI QUELQUES TÉMOIGNAGES

Jim
. Nous nous sommes rencontrés à un cours de cuisine. Il a continué de participer à toutes les activités auxquelles nous l’invitions. Plus tard, il nous a confié qu’il avait des questions sur la Bible, et nous avons commencé des études bibliques. Il venait à toutes nos activités : petits groupes, sorties d’église, services religieux, et même nos efforts d’évangélisation. Jim est devenu un membre actif de notre communauté. Il est devenu notre ami, et nous sommes devenus ses amis. Il n’a pas encore été baptisé, mais il continue d’apprendre. Son histoire n’est pas encore terminée.

Julie. Une collègue m’a présentée à sa famille. Nous avons étudié la Bible ensemble, certes, mais nous avons aussi fait des randonnées ensemble, mangé ensemble, et nous nous sommes serré les coudes au quotidien. Six mois plus tard, Julie, son mari et leur fille ont été baptisés. Dix ans plus tard, ils sont toujours des membres actifs de l’Église.

Rini. Lorsque nous nous sommes rencontrées pour la première fois, Rini m’a invitée chez elle. Elle aimait beaucoup cuisiner, et au fil du temps, nous sommes devenues proches : ensemble, nous étudiions, faisions les courses, partagions nos repas et participions à des petits groupes. Elle a trouvé une famille avant d’être baptisée. Et dans cette famille, elle a découvert Jésus. Au fil du temps, sa peur et son anxiété se sont dissipées. Trois ans plus tard, elle a été baptisée et demeure fidèle à ce jour.

DE L’INTÉRIEUR VERS L’EXTÉRIEUR

Ces histoires ne sont pas le résultat de stratégies brillantes ou de méthodes sophistiquées. C’était comme travailler de l’intérieur vers l’extérieur plutôt que de l’extérieur vers l’intérieur. Ces histoires sont le fruit de l’amour, de l’amitié et de la communauté – elles montrent Jésus agissant à travers les relations. Ellen White l’a magnifiquement résumé : « L’amitié des rachetés de Jésus-Christ est préférable à toutes celles que l’on peut trouver dans le monde7. »
Faut-il donc abandonner les méthodes traditionnelles – campagnes d’évangélisation, expos santé, cours de cuisine, etc. ? Non, car elles ont fait leurs preuves ! Il faut simplement les intégrer dans une communauté authentique – une communauté focalisée sur Jésus, alimentée par des liens constants et des relations authentiques. C’est là que des résultats durables commencent à se produire.
Par conséquent, si vous cherchez à avoir un impact durable sur votre communauté, la voie à suivre est fort simple.
Priez pour recevoir la puissance du Saint-Esprit.
Et ensuite, faites-vous un ami. Un ami proche. Puis appuyez sur « Répéter ».

De Lisa Topete, mariée et mère de trois petits garçons. Elle s’implique entièrement dans le ministère de l’église locale depuis 2011. Actuellement, elle sert aux côtés de son mari à la Fédération du sud de la Californie.
Source : Revue Adventiste, novembre 2025


1 G. L. McIntosh et C. Arn, What Every Pastor Should Know: 101 Indispensable Rules of Thumb for Leading Your Church, Grand Rapids, Mich., Baker Books, 2013.
2 Ibid.
3 Monte Sahlin, Why Do Adventists Quit Coming to Church?, Lincoln, Nebr., Center for Creative Ministry, 1998.
4 http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0265407518761225
5 Pew Research Center, « Religious Attendance and Congregational Involvement », 26 février 2025, https://www.pewresearch.org/religion/2025/02/26/religious-attendance-and-congregational-involvement/
6 D. Mathis, « Two Truths About the One Percent: How Important Is Corporate Worship? » Desiring God, 3 novembre 2021,
https://www.desiringgod.org/articles/two-truths-about-the-one-percent.
7 Ellen G. White, Les paraboles de Jésus, p. 328.

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