En déplaçant l’ambassade américaine à Jérusalem, Donald Trump a répondu à un vœu d’une large part de son électorat: les évangéliques. La visite du musée des «Friends of Zion» permet de mieux comprendre les ressorts de leur amour pour Israël. Visite guidée.
Il est petit, mais il est hollywoodien. A quelques pas de la vieille ville de Jérusalem, le musée des «Amis de Sion» (FOZ) raconte en quelques salles et beaucoup de grands écrans high-tech une vision du monde particulière: celle des évangéliques américains pro-Israël. Pas moins de trois guides escortent la presse qui veut explorer les lieux, après une introduction de Ilan Scolnik, chargé du marketing pour le musée. «Le FOZ a reçu l’an dernier quelques 150’000 visiteurs dont la moitié sont des chrétiens, et il compte quelques 40 millions de ‘followers’ sur les réseaux sociaux», affirme-t-il fièrement.
Resserrer les liens entre juifs et non-juifs en célébrant les « justes parmi les nations” voilà l’objectif de ce musée fondé par Mike Evans, un millionnaire ultra-conservateur proche de Donald Trump. On le voit dès la première salle, sur un écran géant qui projette des images d’Israël à faire se pâmer le ministère du tourisme. Sur fonds d’hymne national, une voix off énumère
les miracles et les beautés du pays tandis qu’au sol se dessine une carte où figurent les villes israéliennes ac- tuelles puis les lieux où vivaient les douze tribus d’Israël. Si l’on voit, certes, apparaître un minaret, rien n’indique qu’une autre population que les Hébreux ait un jour peu- plé la région. Mais pas le temps de poser des questions, car voilà qu’apparaît Mike Evans en personne qui depuis le sommet grandiose d’une falaise désertique, invite le visiteur à « un grand voyage » sur les traces des Juifs.
Un voyage où tout est mobilisé pour que la fibre religieuse du visiteur soit touchée. Les employés du musée semblent en tout cas totalement conquis. « Nous arrivons à une salle qui me touche spécialement. On y voit la destruction de Jérusalem par les Romains… quelle brutalité, tout cela pour occuper la ville sainte ! », souffle l’un des accompagnateurs dans l’ascenseur feutré qui mène au premier étage. Deuxième salle, deuxième projection, cette-fois ci pour plonger dans l’histoire biblique telle que racontée mot pour mot, grâce à un dessin animé représentant Abraham, le buisson ardent, l’esclavage en Égypte…
Vient ensuite une salle pour les « rêveurs » – les chrétiens précurseurs du sionisme au XXe siècle – et une autre pour les « justes » – ceux qui ont sauvé les Juifs pendant l’Holocauste. Le musée présente ainsi l’aide à un groupe humain menacé de mort et le soutien à la construction d’un État sur le même plan – indiquant implicitement que ne pas soutenir le sionisme reviendrait à faire acte d’antisémitisme, tel que l’affirme la droite israélienne actuelle.
Parmi les « rêveurs », on retrouve sans surprise – le musée étant truffé de photos où figurent des pontes du parti républicain américain – George Bush grand-père. Puis l’on se trouve face à une gigantesque mosaïque interactive – « la plus grande d’Israël » – qui présente les destins de ceux qui ont œuvré à la création de l’État juif. « Une sacrée tâche parce qu’il n’y avait rien, ici. Les juifs ont tout fait », affirme un de mes guides. Ailleurs, un dessin animé présente les histoires des « Justes », ceux qui ont sauvé des Juifs pendant l’Holocauste. Et le visiteur est invité à faire un geste : ouvrir les paumes des mains pour que s’y projette la photo d’un Juif qui pourrait lui aussi avoir besoin d’aide.
Le musée se termine par un film montrant la crois- sance d’un arbre, dont les feuilles sont faites de toutes les photos des gens qui ont visité le musée et ont bien voulu se faire tirer le portrait. Puis l’on entend une voix off, avant de ressortir un peu étourdi : « Vous aussi vous pouvez être un bourgeon de l’arbre d’Israël, appelé à grandir et à mûrir. Pour que le retour d’Israël sur sa terre soit total. Forever ! »
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